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mensuelle totale de 861 000 longes, nous sommes donc bien loin des chiffres du traité ; nous sommes même loin des chiffres transactionnels qu’a fixés la Commission des réparations; et si, malgré la démonstration de Francfort, nous n’avons pas obtenu mieux, nous pouvons, à ce simple exemple, juger de la bonne loi allemande.

Ne nous payons pris de mots. Si nous voulons que notre victoire n’ait pas été l’ivresse, d’un matin, que le traité devienne une réalité durable et que le règne de la paix soit assuré, il est temps que les nations alliées se réveillent du fatalisme où elles paraissent s’endormir, qu’elles ouvrent les yeux à la vérité et qu’elles fassent, sans de plus longues hésitations, respecter par l’Allemagne ses engagements solennels. Un débuté alsacien, M. Pfléger, criait, il y a quelques jours, à des collègues trop confiants : « Vous ne connaissez pas assez l’Allemagne. » Ceux qui la connaissent se méfient et savent qu’il y a toujours péril à l’encourager dans sa résistance par la timidité et les tergiversations. Les Alsaciens sont mieux renseignés à cet endroit que les autres Français et les Français eux-mêmes le sont mieux que leurs alliés. Qu’importe Heinze ou Müller, Trimborn ou Fehrenbach ! Ce qu’il faudrait au monde, c’est un gouvernement allemand qui mît une bonne volonté sincère à exécuter le traité et qui renonçât au jeu des échappatoires et des faux-fuyants. Jusqu’à ce qu’un tel cabinet soit formé et qu’il ait fourni, par des actes, la preuve de sa loyauté, les Alliés n’ont qu’à modeler leur altitude sur celle de la France et à suivre les conseils amicaux du gouvernement de la République, lorsqu’il leur demande de clore enfin la liste des concessions et de parler à l’Allemagne sans provocations, mais avec fermeté, comme des vainqueurs qui sont sûrs de leurs droits et entendent les faire respecter.

De San Remo à Hythe et de Hythe à Boulogne, de Boulogne à Bruxelles et de Bruxelles à Spa, ils ne se résigneront pas, je pense, à laisser plus longtemps, sur les routes qu’ils parcourent, des lambeaux du traité. La bienfaisante obstination de M. Millerand finira bien par les convaincre de leurs erreurs successives; et, de ces entrevues répétées, l’épine dorsale de la coalition sortira peut-être redressée. Désarmement de l’Allemagne, réparations par l’Allemagne, ces mots devraient être inscrits en caractères flamboyants sur les murs de toutes les villas où se rencontrent les ministres alliés. A Boulogne, il y a encore eu quelque obscurité dans l’examen de ces deux questions, surtout dans celui de la seconde.

Le jour où nous serons arrivés à rétablir vraiment l’union dans