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millions ou même quelques milliards d’indemnité. Le journal de Munich (Muenchener Neueste Nachrichten), du 18 mai 1918, reconnaissait que « ces indemnités de guerre indirectes faisaient la part très belle à l’Allemagne et qu’elle pourrait être satisfaite si elle arrivait à conclure la paix avec ses autres ennemis dans des conditions identiques. » Nous le croyons sans peine. Vis-à-vis de la Russie, on n’avait même pas cherché à garder l’apparence des ménagements : on exigeait d’elle une indemnité globale et forfaitaire de 6 milliards de marks, dont un quart serait payé par la fourniture de 245 564 kilogrammes d’or fin et 545 millions de roubles en anciens billets de banque, un sixième serait acquitté par des marchandises, cinq douzièmes par la remise de titres de rente ; un dernier sixième resterait à la charge de l’Ukraine et de la Finlande.

Nous pourrions remplir encore des pages par l’énumération des avantages politiques, économiques, financiers que l’Allemagne s’était assurés. En ce qui concernait par exemple les sommes et l’or déposés à la Banque impériale allemande pour le compte de la Banque Nationale roumaine, l’Allemagne déclarait qu’une partie de ces sommes et cet or ayant disparu par suite d’actes d’administration des autorités allemandes et ne pouvant être restituée, le solde resterait à Berlin en vue d’assurer le paiement des coupons de rente roumaine appartenant à des ressortissants allemands. Des traités de commerce, très favorables aux Empires centraux, étaient remis en vigueur ; le libre transit était assuré aux marchandises austro-allemandes acheminées vers l’Asie. En un mot, l’Allemagne n’avait reculé devant aucun moyen pour assurer son hégémonie dans l’Europe orientale ; faisant de la Baltique et de la Mer-Noire deux lacs allemands, elle s’assurait la surveillance du Danube sur tout son parcours. Au Hambourg-Bagdad, dont la réalisation était, dès ce moment, rendue impossible par les succès militaires de l’Entente en Palestine et en Mésopotamie, elle substituait le Hambourg-Téhéran par la Roumanie, l’Ukraine et la Turquie.

Bien que les deux traités de Brest-Litovsk et de Bucarest aient été annulés par le pacte de Versailles, il était bon d’en remettre les clauses sous les yeux de nos lecteurs et de leur montrer comment l’Allemagne traite les vaincus. Il est impossible de rêver une mainmise plus complète sur leurs ressources, une série de dispositions mieux calculées aux fins de les