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III

Mais il est temps d’examiner où se trouve, dans le litige hollando-belge, l’intérêt français, que nous n’avons pas plus le droit d’oublier que celui de la pure justice.

Voyons d’abord notre intérêt militaire.

Que nous le découvrions, cet intérêt, et très évident, dans la rétrocession de la poche du Limbourg et de la place de Maëstricht à la Belgique, c’est ce dont on ne peut douter quand on jette les yeux sur une carte et aussi qu’on se souvient de ce qui s’est [tassé au début et au cours de la dernière guerre.

On sait que le large mouvement enveloppant de la droite des masses allemandes débuta, le 4 août, par la tentative de franchissement de la Meuse au pont de Visé, qui n’est qu’à trois kilomètres du fond de la « poche » limbourguoise. Il ne semble pas que l’assaillant ait emprunté, cette fois, les routes du territoire néerlandais. En tout cas, et de son propre aveu — tout récemment exprimé dans des publications militaires car en Allemagne on parle couramment de la prochaine guerre de revanche, — l’ampleur du mouvement qui nous occupe se trouva réduite par la « couverture » que fournissait au Limbourg belge cette région neutre du Limbourg hollandais. Il est aisé de se rendre compte, par l’examen des voies ferrées et des routes qui viennent de la région rhénane comprise entre Cologne et Dusseldorf-Crefeld, que les Allemands eussent apparu beaucoup plus tôt devant Bruxelles et qu’ils auraient été bien moins gênés par la résistance de Liège, qui n’est qu’à 16 kilomètres du fond de la poche, s’ils avaient pu franchir la Meuse sur toute la partie de son cours comprise entre Maëstricht et Roërmonde, c’est-à-dire précisément en usant des voies d’accès du territoire qui fait l’objet du litige actuel. Aussi n’hésitent-ils pas à déclarer que la prochaine fois, il ne se mettront pas plus en peine de respecter la neutralité hollandaise, au prime début des opérations, qu’ils ne l’ont fait, en 191.4, de la neutralité belge. Et cela d’autant mieux que la première n’est pas garantie par les Puissances, — Russie comprise, — comme l’était la seconde.

« Simple fanfaronnade, dira-t-on peut-être ; et d’ailleurs les Hollandais ne se laisseraient pas faire plus que les Belges… »

Fanfarons, certes, les Allemands le sont ; mais c’est qu’ils ne