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Comédie italienne. Cependant ces farces, par leur musique naïve et le comique assez trivial dont elles s’accompagnaient, étaient bien éloignées, pour les délicats, de présenter l’agrément du concert et, de ce côté, il n’y avait rien qui fût plus charmant à entendre et à voir que Descôteaux, Vizé et Philibert.

La Bruyère, qui se trouvait, en sa qualité de précepteur du Duc et de bel esprit, convié à cette soirée, n’a pas laissé d’observer Philibert faisant le fat et se livrant à son manège au milieu des belles personnes, au premier rang desquelles étaient, comme toujours, cette maréchale de La Ferté et cette comtesse d’Olonne que Saint-Simon a nommées en les blâmant. « Prenez Bathylle… voudriez-vous le sauteur Cobus… vous avez Dracon, le joueur de flûte… » C’est de cette façon assez brutale que La Bruyère, en déguisant les vrais noms de Pécourt et de Beauchamps les danseurs, de Philibert le flûtiste, a peint les baladins et le musicien si chers aux coquettes de son temps.

De Philibert, le Dracon si précieux à Lélie, La Bruyère a parlé de la façon la plus piquante du monde. C’est quand il a montré cette sorte d’attrait irrésistible que Dracon exerçait sur les cœurs. « Vous soupirez, Lélie, dit La Bruyère : est-ce que Dracon aurait fait un choix ou que malheureusement on vous aurait prévenue ? Se serait-il enfin engagé à Césonie ? » Césonie, c’était Mlle de Briou, fille du Président des Aides et, dans sa Comédie de Jean de La Bruyère, Edouard Fournier ne laisse pas de dire que cette belle personne « alla pour Philibert jusqu’à l’extravagance. »

Hélas ! pour Mme Brunel, une bourgeoise contemporaine de Mlle de Briou, recherchée, très riche, encore jeune et mariée au marchand Brunet, cela devait aller jusqu’au forfait et jusqu’au crime ! La Bruyère, en effet, dans le même chapitre des Femmes où il touche, en passant, à toutes ces folies, a parlé de Canidie l’empoisonneuse, de Canidie « qui a de si beaux secrets, qui promet aux jeunes femmes de secondes noces. » Eh bien ! cette Canidie, c’était la Voisin et, quand la justice eut décidé d’instruire le procès de cette mégère, on ne tarda pas à s’apercevoir que Mme Brunet, afin de convoler, — avec Philibert, — - en de nouvelles noces, avait obtenu de Canidie qu’elle dépêchât, par une poudre savante, M. Brunet dans l’autre monde !

Epousé dans des circonstances devenues si tragiques,