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permet à M. Millerand de dire à MM. Lloyd George et Nitti : « Ne m’en demandez pas trop. L’opinion française ne me suivrait pas. » Notons déjà quelques signes favorables. Comme l’indiquait, l’autre jour, M. Jacques Bardoux, dans une remarquable étude sur le mandat financier des négociateurs français, plus on parle du malencontreux accord de Hythe, moins il en reste. La déclaration franco-britannique s’évanouit. C’est une constatation qu’avait déjà faite la Westminster Gazette après les premières explications de M. Bonar- Law; elle est encore plus exacte après le second discours du ministre anglais. Les experts qu’on avait chargés, non seulement de préparer une évaluation de la créance alliée, mais d’apprécier la capacité de paiement de l’Allemagne, n’auront plus à remplir qu’un mandat obscur et n’en seront même pas récompensés par la gloire de rédiger un rapport public. D’autre part, le chiffre de 120 milliards de marks or, dont il avait été parlé à Hythe et dont la France aurait touché, après entente avec l’Italie, la Belgique et les autres alliés, une part encore indéterminée, a paru aux Chambres tout à fait insuffisant pour réparer nos dommages; et M. Millerand a déclaré, en termes très nets, qu’il n’avait été pris, à cet égard, aucune décision irrévocable. La France, comme l’Angleterre, a conservé sa liberté. Il est donc encore possible de rechercher des solutions plus conformes à l’intérêt français, soit qu’on parvienne à s’entendre sur un chiffre assez élevé pour assurer réellement la restauration de nos régions dévastées, soit que, par un heureux retour à une combinaison plus logique, on reprenne l’idée d’une annuité progressive, calculée de manière à ménager, dans la mesure nécessaire, la situation actuelle de l’Allemagne et, en même temps, à réserver l’avenir.

Quelle que soit la détermination à laquelle on finira par s’arrêter, il demeure, du reste, évident que rien ne sera fait si les Alliés ne complètent pas leur accord en réclamant des garanties et en se concertant pour financer la créance commune. C’est un problème complexe qu’on ne résoudra pas dans des entretiens rapides de Premiers ministres. D’après la déclaration de Hythe, les gouvernements avaient reconnu qu’il fallait liquider parallèlement et au plus tôt les dettes interalliées et l’indemnité allemande. Cette liquidation parallèle, si on ne la réglait pas prudemment, ne serait pas sans grands risques pour nous. M. Jacques Bardoux a clairement montré qu’elle pourrait avoir pour résultat direct d’intéresser la Grande Bretagne, non point à accroître les versements de l’Allemagne, mais à les diminuer et à faire que les charges imposées à la nation débitrice