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par la loyauté de son attitude ! Il subit alors la peine d’avoir accepté, en pleine lutte, un poste où il lui est interdit de continuer à lutter et où il est cependant suspect de n’avoir pas dépouillé tout esprit de parti. Mais lorsque, au contraire, l’élection a porté sur un candidat qui était déjà, par sa situation, une sorte d’arbitre suprême et dont tout le monde reconnaissait la haute impartialité; lorsque l’unanimité s’est tout naturellement faite sur son nom ; et lorsqu’il remplit ensuite ses délicates fonctions avec une dignité impeccable et avec un talent dont le pays entier a lieu d’être fier, ne serait-il pas juste d’avoir pour lui les mêmes égards que les peuples voisins ont pour leurs chefs d’État constitutionnels, de le laisser en dehors des polémiques et de réserver les plaisanteries et les chansons pour les ministres ou pour les anciens présidents, qui, eux, n’ont pas les mains liées ? Ce sentiment de justice, la France l’a tout de suite éprouvé ; elle s’est rangée autour de son premier magistrat et elle s’est dit qu’aux heures graves où nous sommes, elle avait, avant tout, besoin d’ordre et de stabilité. Au milieu d’une Europe bouleversée, elle veut donner l’exemple de l’équilibre et de la raison.

C’est la même pensée qui l’a déterminée à approuver, dans l’ensemble, les mesures de fermeté que le gouvernement a continué à prendre pour rétablir la marche régulière des services publics. Un projet de loi, qui contient une véritable charte des fonctionnaires, a été déposé sur le bureau de la Chambre. Il a soulevé déjà, dans quelques administrations, de bruyantes protestations de la part d’une minorité tyrannique, et il est à craindre qu’un long temps ne s’écoule avant le vote définitif de nouvelles dispositions légales. Voilà plus de vingt ans qu’on discute dans les Chambres, non seulement sur les questions de discipline administrative, mais sur la définition même du fonctionnaire public et sur le droit qu’il peut avoir, soit de s’associer, soit de se syndiquer. Les auteurs de la loi de 1884 sur les syndicats professionnels avaient entendu en réserver le bénéfice aux ouvriers, pour la défense de leurs intérêts économiques, et ils ne s’étaient pas attendus à ce que des agents de l’Etat et des délégués de l’autorité publique pussent, un jour, chercher dans la forme syndicale un moyen de défendre leurs intérêts collectifs. Plus tard, les auteurs de la loi de 1901 sur les associations n’avaient pas eux-mêmes songé que les fonctionnaires dussent en tirer profit. Mais cette dernière loi, comme la précédente, était entrée en vigueur à un moment où l’esprit corporatif se réveillait dans toutes les classes sociales. Les quelques « Amicales » qui s’étaient