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Certes on savait depuis longtemps que tout progrès dans l’armement entraîne une augmentation dans la proportion des cadres ; jamais pourtant cette loi n’avait joué avec une violence comparable soumettant nos cadres à un double effort d’extension : d’une part, nécessité d’augmenter le nombre des gradés de tout ordre dans chaque unité, nécessité, d’autre part, d’augmenter en même temps le nombre de ces unités.

Telle est, en effet, la rançon de la machinerie moderne : elle se manifeste par des exigences techniques et par des effets tactiques. Tout d’abord, elle exige un service infiniment plus soigné à tous les points de vue : qu’une mitrailleuse ait un mécanisme encrassé, qu’elle soit mal installée ou mal pointée, son efficacité devient nulle en raison de sa précision même ; que les organes de pointage d’une batterie soient faussés, les plans directeurs mal lus, les liaisons téléphoniques ou par télégraphie sans fil incertaines, ses pièces restent impuissantes. Il faut un service très soigné et ce service ne se peut obtenir que par une proportion plus forte dans le nombre des gradés.

Voyons le phénomène se dérouler dans l’arme la moins chargée de matériel : l’infanterie.

L’infanterie a dû augmenter le nombre de ses mitrailleuses et de ses téléphones en même temps qu’elle recevait des grenades, des fusils-mitrailleurs, des canons de 37 et de la T.S.F. Aussi l’effectif d’un régiment d’infanterie qui, en 1914, comportait 66 officiers pour 3 200 hommes de troupe, comptait-il, en 1918, 66 officiers pour 2 400 hommes de troupe ; en d’autres termes, les cadres d’un régiment d’infanterie ont passé de la proportion d’un officier pour 48 hommes à celle d’un officier pour 36 hommes. Augmentation d’un quart.

Dans l’artillerie, les batteries proprement dites sont entourées d’organisations auxiliaires qui ont augmenté selon un rythme encore plus accéléré la proportion du cadre à la troupe : ce sont par exemple les groupes de commandement de tout ordre, les sections de repérage par observation terrestre ou par le son : ils sont très nombreux et ne comprennent presque que des cadres.

Dans les armes nouvelles où la machine tient la place principale, la proportion atteint des limites jusqu’alors inconnues en France : ainsi un régiment de chars d’assaut compte 47 officiers pour 1 000 hommes, soit 1 officier pour 20 hommes et, détenant le record, une escadrille d’avions normale comprend