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Le spécimen le plus génial des farces « à ballets » foncièrement moliéresques, c’est le Malade Imaginaire, bien que l’intermède intempestif et médiocre du 1er acte : Polichinelle et les archers, fit toujours long feu, malgré Got, Vauthier, Grivot, ou telle chanteuse de café-concert qui s’avisa de nous montrer le « roquentin » bossu avec de petits pantalons de dentelle qui firent pâmer d’aise les courriéristes de théâtres.

Pour ce qui est de la cérémonie que je vois, depuis ma plus tendre enfance, donner avec le défilé des artistes, si cher au public des habitués, va-t-elle, aux prochaines représentations, être enfin rendue plus compréhensible ? Je confiais à Georges Berr que je ne me consolerais jamais d’avoir pu rester, pendant toute ma carrière, le témoin impuissant de l’inexplicable contre-sens, qui consiste à faire assister les Diafoirus, père et fils, ces importants et convaincus professionnels, à la parodie bouffonne de leur sacerdoce, et non seulement y assister, mais encore y prendre part ! D’où peut venir cette faute de logique ? Le texte est formel ; tout ce divertissement de mardi-gras se doit passer en famille, grâce au concours des « comédiens et tapissiers » amenés par Béralde. L’immixtion des deux Diafoirus dans cette folie est donc erronée. Les documents ne manquent pourtant pas ; ils sont précis dans le texte… Eh bien ! jamais, au grand jamais, je n’ai pu convaincre mes « anciens » et les faire revenir de cette aberration scénique. Ni mon vénéré maître Régnier, si beau moliériste (mais il tenait à faire rire avec le couplet latin de Thomas dont il était l’auteur !), ni Émile Perrin, ni Got, ni Coquelin, ni personne… ne voulurent jamais convenir de cette erreur, ni laisser toucher à la « distribution » arbitraire et falote des cinq « doctors. »

Verra-t-on aussi, quelque jour, abolir cette autre « tradition » aussi contraire au texte de Molière que peu en accord avec le caractère de Thomas Diafoirus ? Je veux parler de ce manque de mémoire au milieu du second compliment. Jamais Diafoirus ne resterait court en pareille circonstance. Thomas est un fort en thème « qui s’est rendu redoutable » dans les controverses… « Il est ferme dans la dispute, fort comme un Turc sur ses principes, ne démord jamais de son opinion, et poursuit un raisonnement jusque dans les derniers recoins de la logique. » Donc, infléchir ce crétin redoutable, qui portera quelque jour l’hermine, vers une timidité peureuse ; le rendre