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à messieurs du grand collège qu’un farceur qui divertissait le Roi était un artiste qui ne pouvait qu’honorer la compagnie ; et Lulli fut nommé.


En tant que drame et pièce musicale « à machines, » Psyché a ruiné tous ceux qui en ont généreusement tenté la résurrection. À part les fragments, tour à tour exquis et magnifiques, que j’ai religieusement groupés dans « l’acte » que l’on applaudit très souvent rue de Richelieu, l’œuvre, dans son ensemble, est indigeste. Les dernières tentatives, réalisées à grands frais, soit en costumes à l’antique, soit en costumes Louis XIV, en des décors olympiens ou dans les rocailles de Versailles, n’ont pu, malgré les efforts de la Presse, galvaniser le public. J’ai suivi toutes ces représentations et noté l’attitude et l’impression des spectateurs. Ils m’ont toujours paru témoigner, au début, d’un grand désir d’acclamer la pièce, sans pouvoir, hélas ! s’intéresser longtemps au texte de Molière et de Corneille.

Le premier acte, en entier de Molière, est traité en vers spirituels, mais prosaïques ; la fin de cet acte, lorsque les deux sœurs se réjouissent in petto de l’oracle condamnant à mort leur benjamine, passe quasiment inaperçue ; les « princes amants » Agénor et Cléomène sont parfaitement inexistants ; l’intérêt décroît d’acte en acte, de telle sorte que les morceaux même les plus vraiment admirables, les plaintes du Roi, père de Psyché, les scènes de l’Amour, etc… ne font plus, quand ils arrivent, aucun effet. On ne les « retrouve » plus. Quant à la musique, elle est soporifique, et les subterfuges de mise en scène quels qu’ils soient ne rendront jamais ces cinq actes intéressants.

Cette œuvre fut, de notre temps, « distribuée » en général à contre-sens. On s’obstinait à voir dans le rôle de Psyché une frêle ingénue, lorsqu’il y faut une sorte d’Iphigénie, un « jeune-premier-rôle-femme » à poumons amples, à voix sonore, enchanteresse ; quant à l’Amour, qu’un Mounet-Sully jeune pourrait tout juste mettre à son plan, au cinquième acte, nous dûmes en supporter longtemps l’interprétation par de petites demoiselles frétillantes. Il en était de même pour le Zéphire créé par Molière quinquagénaire, et que j’ai eu tant de mal à faire interpréter enfin par un homme. On y voulait toujours voir une fillette lilliputienne, sautillant avec des ailes dans le dos !