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toujours très chichement dispensés. Ce n’était pas encore la mode de dépenser 30 000 francs pour monter un acte !

Nous reverrons enfin ces trois actes que Geoffroy mettait au premier rang dans l’œuvre de Molière. Le nombre des représentations de cette pièce, notées sur nos registres, donne, jusqu’en 1900 : 1211 ; chiffre comparable à celui des plus populaires chefs-d’œuvre : Tartuffe (2058), le Médecin malgré lui (1592), l’Avare (1503), le Misanthrope (1206), l’École des Femmes (1203), les Femmes savantes (1189), le Malade imaginaire (1074).

Peut-être joindra-t-on à l’École des Maris sur un même programme, comme au temps de Molière, chez Monsieur, le 26 novembre 1661, « quelques scènes » des Fâcheux ? Je dis : « quelques scènes, » car cette « revue » compte surtout à nos yeux par le. souvenir de la disgrâce du surintendant Fouquet, par la jolie lettre documentaire de La Fontaine a Maucroix, et par la Préface qui nous fournit un précieux document sur le mélange de la musique et de la danse dans les comédies de Molière, mélange inédit si pleinement goûté par le public et par Louis XIV, que la nouveauté de cette combinaison fut le premier et le plus sûr titre de Molière à la faveur royale.

Mes impressions d’acteur, lors de la reprise des Fâcheux, en 1883, correspondirent exactement à celles du jeune spectateur que j’étais en 1869. Seules, la scène du chanteur danseur de courante, Lysandre (qui me valut une exquise épitre de Banville), celle du chasseur Dorante (jouée par Coquelin aîné, et que Sarcey célébra d’enthousiasme), seules ces scènes furent applaudies ; le reste tomba non seulement à plat, mais fut, à la fin de la pièce, fortement « égayé. » Le rôle de Damis, le tuteur d’Orphise, était interprété par notre regretté Laugier. De haute stature, quand Laugier tira une toute petite épée Louis XIV pour charger le spadassin La Rivière et ses acolytes armés de longues rapières Louis XIII, et qu’il les eut mis en fuite, après quelques parades dans le vide, ce fut le signal de rires inextinguibles, d’exclamations carnavalesques qui persistèrent jusqu’à la chute du rideau. Sarcey, par piété envers Molière, ne signala pas cette fin lamentable, orchestrée de quelques sifflets. On pourrait donc donner la scène du commencement, la scène de Lysandre ; celle des « deux manières d’aimer ; » celle du chasseur Dorante, et terminer par la fuite d’Eraste vers