Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/869

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pièces de Molière. L’éclat, la fraîcheur de style qui brillent encore, en partie, dans le Dépit amoureux, peu à peu s’effacent, à mesure que Molière, cédant malheureusement à d’autres inspirations que la sienne, s’engage de plus en plus dans une nouvelle voie. » C’était l’avis de Th. Gautier, et Th. de Banville m’a souvent exprimé la même opinion. Il y aurait pourtant bien à reprendre là-dessus. En tout cas, si le rôle de Mascarille est, pour l’acteur comique qui l’interprète, laborieux pendant le premier acte et la majeure partie du second, ce rôle est, dans la suite, un des plus variés, des plus pittoresques, des plus brillants qui soient dans ce genre de fantaisie poétique.

Lors de la reprise de 1871, la pièce fut donnée vingt-quatre fois ; l’année suivante, vingt-quatre fois encore ; onze fois en 1873. Bref, jusqu’à nos jours, l’Etourdi, — n’en déplaise à ceux qui nient la puissance de la tradition, — est resté l’une des pièces de Molière les mieux jouées, les plus applaudies, parce qu’on en a gardé le mouvement et les jeux de scène, sans chercher à moderniser ce qui n’est pas modernisable.


Les Précieuses ridicules conserveront toujours leur « actualité » de satire littéraire, car, à toutes les époques, les excentriques de la littérature prêteront à rire. Que les snobs provinciaux et parisiens soient épris de préciosité, de symbolisme, de futurisme ou de dadaïsme, ils seront toujours bons à nous donner la comédie. Il est pourtant assez curieux de noter que cette farce, si fréquemment affichée de nos jours, et souvent avec grand succès (quoiqu’une partie de la salle, au cours de chaque représentation, ne rie que du bout des lèvres), cette farce ne fut que peu jouée, peu goûtée, peu comprise pendant tout le dix-huitième siècle. Les comédiens eux-mêmes qui tentèrent de la rajeunir en l’habillant de « costumes de ville, » nous ont, par leur insuccès, fourni la preuve de ce qu’avait de dangereux leur tentative. N’est-ce point le cas ou jamais, en faveur de cette œuvre si spéciale, de « situer » les personnages, dans une « salle basse » de l’époque, au milieu de quelques accessoires évoquant « l’alcôve ? » J’ai tenté cette réalisation quelques années avant la guerre, et l’on avait bien voulu la signaler, l’encourager dans quelques journaux ; mais plusieurs de mes collègues ont prétendu qu’il fallait s’en tenir à l’ancien « salon » tout nu, et