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La France avait, en 1913, un budget qui oscillait entre 5 et 6 milliards de francs. Celui de 1920 s’élevait, d’après le premier projet présenté par le ministère Clemenceau, à 48 milliards qui se divisaient comme suit. Le budget ordinaire atteignait près de 18 milliards, dans lesquels le service de la dette figurait pour plus de moitié ; le budget extraordinaire, comprenant pour la majeure partie les indemnités de démobilisation et des allocations, 7 milliards et demi de francs. Un troisième budget de 22 milliards, portant le total à 48 milliards, comprenait les dépenses recouvrables sur les versements à recevoir en exécution des traités de paix : c’est là qu’étaient inscrites les pensions de la guerre et de la marine et les indemnités dues aux sinistrés.

Si le traité de Versailles avait imposé à l’Allemagne le versement immédiat du montant des réparations dues par elle, c’est à la somme de 25 milliards, représentant l’addition du budget ordinaire et du budget extraordinaire, qu’eût été limité l’effort financier de la France pour l’année 1920. Cela signifiait déjà le quintuple de ce qu’il était avant la guerre, avec cette circonstance singulièrement aggravante que les régions libérées, qui jadis apportaient une contribution très élevée aux recettes du Trésor, auront besoin de longues années avant de retrouver leur force économique et de verser au budget les sommes qu’elles lui fournissaient autrefois. Mais la tâche qui nous incombe est bien autrement lourde. Par suite des lenteurs apportées au règlement financier avec l’Allemagne, celle-ci est très loin d’avoir, à l’heure qu’il est, versé ce qu’elle doit aux Alliés. Nous sommes donc obligés de faire aux régions envahies l’avance d’une partie de ce qui leur revient : l’œuvre de réparation, de reconstruction ne saurait être différée. Voilà donc 22 milliards dont notre Trésorerie, sinon notre budget, a besoin, et dont nous avons à faire, sinon le débours définitif, du moins l’avance. Et, par un paradoxe étrange, c’est pour le compte de nos ennemis que nous avons été amenés à remplir ce rôle. Nous sommes en ce moment le banquier de l’Allemagne, débitrice retardataire de nos sinistrés. Chaque milliard qui leur est distribué sort des caisses françaises, qui l’inscrivent au passif de qui de droit, mais, qui n’en sont pas moins contraintes de se procurer les ressources nécessaires. Or il est bien évident que ce n’est qu’à l’emprunt qu’elles peuvent le demander. Le Parlement a fait une œuvre considérable en votant des impôts