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sans omettre de signaler l’importance des dommages indirects, en ont séparé l’évaluation de celle des dommages directs. D’un autre côté, le coefficient au moyen duquel les Serbes ont relevé les valeurs d’avant-guerre et qui a généralement été de 3, peut être considéré comme faible : de ce chef, l’écart entre les résultats auxquels ils sont arrivés et ceux qu’aurait donnés l’application de la méthode française, serait diminué.

Nous ne voulons pas allonger cette liste monotone des désastres causés, nous ne saurions trop le répéter, par des méthodes de guerre absolument contraires au droit des gens. Nous aurions dû cependant parler de pays tels que la Pologne, l’Arménie, qui n’ont pas moins souffert : mais nous en avons assez dit pour que la réalité éclate, aux yeux du monde trop vite oublieux. La sèche énumération des milliards engloutis a quelque chose d’impressionnant dans sa cruelle monotonie : il fallait dresser l’inventaire des ruines, et ce ne fut pas aisé, puisqu’en mainte circonstance les ruines elles-mêmes, selon le mot célèbre du poète latin, ont disparu, etiam periere ruinæ.


X. — CONSÉQUENCES FINANCIÈRES DES DÉVASTATIONS

Toute guerre entraîne des dépenses, et celle de 1914-1918 en a imposé de formidables aux peuples qui y ont participé. Ce qu’on ne saurait trop rappeler, c’est que la méthode allemande les a majorées dans une proportion inconnue jusque-là. Jamais encore on n’avait vu les armées d’un belligérant procéder systématiquement à la ruine complète des régions qu’elles envahissaient. Toujours la guerre a été une cause d’endettement pour un pays : la majeure partie des emprunts publics ont été contractés pour des motifs militaires. Mais, cette fois-ci, les frais de reconstitution des pays envahis représentent à eux seuls un capital égal, sinon supérieur, à celui qui correspond aux frais de guerre proprement dits. Et c’est ici qu’apparaît la mansuétude du traité de Versailles, qui n’a mis à la charge des auteurs des dommages que le coût de la réparation, sans exiger d’eux, ce qui n’eût été que justice, le remboursement des dépenses de guerre. En examinant sommairement les budgets des pays alliés, tels qu’ils se présentent en 1920, nous aurons une idée du fardeau que supportent les peuples vainqueurs, mais écrasés d’impôts.