Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/808

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
806
revue des deux mondes.

menaçait de durer longtemps et notre commandement s’est prudemment organisé pour durer ; il s’est borné à l’entretien des effectifs existants et aux transformations nécessitées par les formes nouvelles de la lutte : l’infanterie comprenait en mai 1915 72 pour 100 de nos effectifs, l’artillerie 18,5 pour 100, l’ensemble des autres armes 9,8 pour 100 ; au moment de l’armistice, l’infanterie était réduite à 50 pour 100, l’artillerie absorbait 35,7 pour 100, l’ensemble dos autres armes 15 pour 100. — Aussi les divisions étaient-elles réduites à trois régiments de 2 500 hommes au lieu de quatre régiments de 3 300 hommes, — pendant que l’artillerie lourde, le génie, l’aviation, les conducteurs d’automobiles ne cessaient de se développer et que les chars d’assaut se créaient.

L’Armée allemande, tout en obéissant aux mêmes nécessités d’organisation, ne cessait d’augmenter le nombre de ses divisions par à-coups successifs, et selon les besoins de sa politique militaire. Elle a des réserves d’hommes énormes, elle en use plus hardiment que nous des nôtres pourtant beaucoup plus fortes. Alors que tous nos hommes non instruits passent six ou huit mois dans les dépôts ou les bataillons d’instruction, ses réservistes et territoriaux non instruits (Ersatz de l’active, de la réserve, de la Landwehr, du Landsturm) sont envoyés au front après deux ou trois mois d’instruction ; il en est de même des jeunes classes, dont l’appel et la mise en service, au début plus lents qu’en France, s’accélèrent au point que l’Allemagne est en avance d’une classe sur la France.

Il est évident que l’Allemagne, ayant à soutenir la lutte sur deux fronts, à soutenir par intermittence son alliée l’Autriche-Hongrie en Galicie et en Italie, à conduire une offensive en Roumanie, à encadrer l’armée turque, se trouvait aux prises avec des difficultés croissantes, et ce fut une nécessité pour elle de mettre en ligne toutes ses ressources. Mais un succès rapide lui était devenu indispensable en 1916, parce qu’elle était incapable d’une lutte prolongée. D’une part, elle ne pouvait plus entretenir, à beaucoup près, l’effectif de ses trop nombreuses divisions ; d’autre part, les suppressions considérables que lui imposaient ses pertes nécessitaient une réorganisation complète, incompatible avec l’allure accélérée de nos attaques ; enfin en réduisant de moitié le nombre de ses divisions, elle eût dégarni une partie notable de son front, qu’aucun prodige d’organisation ne pouvait empêcher de s’effondrer, faute d’hommes.