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que le spectre de la révision apparaît, à chaque instant, devant nos yeux. Je vois même des hommes de valeur, publicistes ou membres du Parlement, qui, ayant trouvé le traité médiocre et persistant dans cette opinion, voudraient saisir l’occasion de le réviser, dans l’espoir de l’améliorer. J’ai bien peur qu’ils ne s’exposent à lâcher la proie pour l’ombre. Le long temps écoulé depuis l’armistice, la démobilisation de nos armées, l’évolution qui s’est insensiblement produite dans l’esprit de nos alliés, tout conspire à empêcher qu’une révision se fasse désormais à notre profit. On l’a bien vu à Hythe, lorsqu’a été écartée la priorité de notre créance et retenue, en même temps, sous un manteau de fortune, l’idée du forfait. Laissons même de côté, pour un instant, les explications qu’ont données séparément, dans leurs pays respectifs, les ministres alliés et qui sont, sur certains points, un peu contradictoires. Pour essayer de les mettre d’accord, on a dû inventer des alliances de mots singulièrement audacieuses, telles que celles de minimum forfaitaire, ou de forfait minimum, dont la langue parlementaire refusera, sans doute, de s’enrichir Si piquants que soient tous ces commentaires, je les néglige pour m’en tenir à la déclaration commune des gouvernements britannique et français. Elle débute par cet oracle : « Il est désirable que l’Allemagne soit mise en mesure de retrouver, pour un prompt accomplissement de ses obligations, son autonomie financière. » Et je me demande, d’abord, comment l’expression de ce désir se concilie avec les paroles que M. Léon Bourgeois prononçait tout récemment à Rome, devant la Société des Nations : « L’Allemagne a été placée par le traité sous la tutelle financière de la Commission des Réparations. » Tutelle financière, autonomie financière, où est la vérité? Va-t-on essayer encore de nous dire qu’il y a là deux idées semblables, comme on a tenté de faire de forfait et de minimum deux synonymes, et cherchera-t-on à nous expliquer qu’on peut rendre à l’Allemagne son autonomie financière, sans l’affranchir du contrôle de la Commission des Réparations? Je sais des polémistes assez ingénieux pour tenter cette démonstration.

La déclaration continue : « Il importe d’aboutir à un règlement embrassant l’ensemble des charges internationales léguées par la guerre et d’assurer parallèlement l’apurement des dettes de guerre des pays alliés et des dettes de réparation des Empires centraux. » Et tout le monde est immédiatement porté à crier bravo ! Apurer nos dettes de guerre envers nos alliés et nous servir à cet effet de notre créance sur l’Allemagne, voilà une combinaison à laquelle on ne