Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/695

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aux circonstances connues de la captivité du Temple. Que serait devenu l’enfant royal ? Peut-être mourut-il dans la retraite profonde où, en attendant de pouvoir se servir de lui, l’aura caché son sauveur, qui, lui-même, meurt avant d’avoir révélé ou mis à profit sa combinaison. Si l’enfant a vécu, peut-être, sans appuis, sans conseils, sans nom, sans nulle preuve de son auguste origine, sans fidèles autres que de rencontre, a-t-il essayé de susciter des reconnaissances et des dévouements de hasard ? Sans prêter à l’histoire d’Hervagault une importance jusqu’ici injustifiée, elle prouve assurément qu’une telle supposition est vraisemblable et que pareille tentative était vouée à un insuccès certain.

Au vrai, et quoiqu’il soit piteux de finir par ces mots un si long récit : on ne sait pas ! La découverte des registres du Temple, « égarés » depuis plus de cent ans, apporterait peut-être quelque lumière : le Mémoire justificatif de Barras qu’on nous promet, serait probant, s’il était authentiqué de façon indiscutable : encore ne saurait-on point par lui si l’enfant tiré de la prison par le futur Directeur était ou non le fils de Louis XVI. Barras a pu être trompé sur ce point, s’apercevoir de la supercherie et la perpétuer pour en faire l’arme de ses rancunes et l’enjeu de ses tripotages. Tout ce que peuvent obtenir aujourd’hui les chercheurs dont cette enquête de Pénélope ne décourage point l’opiniâtreté, ce sont quelques constatations de détail, quelques « recoupements » heureux, ayant pour résultat d’éliminer des erreurs et de détruire des légendes, mais non de servir de base historique à une nouvelle conception de ce sujet déconcertant. Telles, par exemple, les investigations, qui, à plusieurs reprises, ont été poursuivies dans le dessein d’arracher au sol, saturé de cadavres, du cimetière Sainte-Marguerite, le secret qu’il garde depuis cent vingt ans.

En novembre 1846, M. l’abbé Haumet, curé de Sainte-Marguerite, fort instruit des traditions de sa paroisse, saisit le prétexte de l’établissement d’un hangar contre le transept de son église pour opérer des fouilles à l’endroit du terrain où le fossoyeur Bétrancourt assurait avoir inhumé le corps du Dauphin, retiré par lui de la fosse commune. La fouille fut effectuée pendant la nuit ; quelques coups de pioche mirent à découvert, à l’emplacement précis qu’avait jadis indiqué Bétrancourt, un cercueil, — de plomb ! — qui fut porté au