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gouvernante des Enfants de France. » Sur quoi M. le duc « sonne pour demander son déjeuner ; » et Damont, remportant son coffret, sort des Tuileries, consterné, ne comprenant pas comment une chevelure que, de ses yeux, il a vu détacher de la tête du Dauphin, peut provenir d’un autre enfant. Il eut l’explication de cette énigme quelques jours plus tard : parlant de sa déconvenue avec le sieur Roussiale, son beau-frère, celui-ci « lui observa que ces cheveux pouvaient bien être ceux de l’enfant mort au Temple ; mais que ce n’était pas Louis XVII, » — « que l’enfant vu par lui, Damont, était un enfant substitué… » idée qui n’avait jamais germé dans l’esprit de Damont et qu’il repoussa avec indignation.

Ainsi, de toutes les personnes qui s’étaient trouvées au Temple dans les journées du 8 au 10 juin 1795, deux seulement, Pellelan et Damont, avaient manifesté de façon tangible leur croyance à la personnalité royale du décédé : la famille des Bourbons s’appliquait à leur ôter leurs illusions, et le gouvernement évinçait de même sorte les zélés qui se flattaient d’élucider l’énigme du Temple : après avoir fait officiellement appel, non seulement aux individus dont on lui avait signalé les noms, mais encore à « tous ceux qu’on pourrait découvrir, » il imposait silence aux témoins qui se présentaient : deux exemples suffiront à montrer la manière. Le maçon Barelle, — ce membre de la Commune qui avait pris le Dauphin en affection et que celui-ci appelait « son bon ami, » — vivait encore en 1817 : apprenant qu’on s’apprêtait à juger un prétendu fils de Louis XVI, il s’adressa aux magistrats de Rouen, se permettant de leur observer « qu’ils n’avaient pas puisé à la source pour éclairer leur religion en une procédure qui occupe tous les esprits. » — « Il existe, écrivait-il, des témoins oculaires, des municipaux qui ont accompagné le Dauphin jusqu’au 11 thermidor… leur confrontation pourrait jeter quelque lumière sur un sujet si délicat… » et leur déposition serait « plus sûre et plus véridique que les différentes relations que chacun écrit à sa manière… » L’avis était judicieux ; Barelle avait certainement quelque chose à raconter : Decazes repoussa la proposition sous le prétexte qu’une telle lettre « ressemblait davantage à une demande de secours qu’à une offre sincère de témoignage. »

Il rebuta de même la très romanesque attestation d’une