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celle dont ils ont fait périr le père, la mère et la tante qui vous demande à genoux, pour les Français, la grâce et la paix. »

Comme la petite-fille de Pauline, Mme Blanche de Béarn, en religion sœur Vincent, affirme que sa grand’mère « était bien convaincue de l’évasion de Louis XVII, soustrait au Temple et remplacé par un autre enfant ; » comme elle déclare également que son grand-père et son père n’ont jamais cru à la mort du Dauphin ; comme, d’autre part, elle assure que Madame Royale a toujours cherché son frère « puisque, très peu de semaines avant sa mort, elle écrivait encore au Comte de Béarn pour traiter de cette grave question qui lui tenait fort à cœur ; » comme enfin, dans la préface des Mémoires de Mme de Tourzel, le marquis de La Ferronnays, — — évidemment très renseigné, — écrit : — « Mme la Dauphine pendant bien des années avait gardé l’espérance de retrouver son frère, » il demeure établi que si, en 1795, l’ancienne gouvernante des Enfants de France possédait véritablement la conviction de la mort au Temple, elle était seule de tous les siens à professer cette opinion et que la sœur de Louis XVII ne la partageait pas.

Que celle-ci n’avouât ses doutes à personne ; que, devenue par son mariage avec le Duc d’Angoulême, Dauphine de France, elle dût les cacher avec plus de réserve encore, c’est ce dont nul ne doit s’étonner ; mais ils subsistèrent bien longtemps en son esprit, et les faits le prouvent. On l’a vue s’intéresser au récit des aventures d’Hervagault dont elle avait été informée par le P. de Lestrange, abbé de la Trappe ; quand, en 1816, surgit Charles de Navarre, la perplexité de Madame durait toujours : elle la laissa deviner lorsqu’elle permit qu’on adressât au prétendant de Rouen un questionnaire dans le dessein de connaître, suivant la véridicité des réponses, « s’il était vraiment le Dauphin. » Ce questionnaire fut rédigé par Turgy, l’ancien garçon servant, qui, ayant suivi Madame Royale à Bâle, en Autriche, en Courlande, en Angleterre, était devenu, depuis la Restauration, M. le chevalier de Turgy, premier valet de chambre de Mme la Dauphine, huissier de son cabinet et officier de la Légion d’honneur ; or, dans cet emploi d’éminente confiance, il n’aurait pas risqué une si compromettante démarche sans l’ordre, ou du moins sans l’autorisation de la princesse. Ces questions présentées à la manière des devinettes, visent certains détails de la vie intime de la prison au temps où le frère et la sœur