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plus respectée et des organes de gouvernement plus puissants et plus efficaces, accroissant ainsi la force et l’autorité de la charge suprême. S’engageant résolument dans la voie sur laquelle Aurélien avait fait les premiers pas un peu timidement, Dioclétien fixa officiellement le principe de la divinité des empereurs. Les empereurs sont a Deis geniti et deorum creatores ; Dioclétien prend le titre de Jovius, Maximien celui d’Herculius ; les sujets et l’armée prêtent serment par leur nom, comme jadis par le nom de Jupiter ou d’Hercule ; et la divinité dont eux et l’Empire reçoivent leur force, est précisément le Dieu du soleil, Mithra, dispensateur des trônes et des empires.

Cette nouvelle majesté divine de l’Empire est inculquée sous des formes tangibles, dans la conscience des sujets. Les rapports de ceux-ci et des empereurs, et tous les actes extérieurs de la souveraineté font l’objet d’un cérémonial que les deux premiers siècles de notre ère avaient ignoré. L’Empereur doit porter un diadème comme les grands monarques orientaux, un diadème à rayons comme le Soleil, qui l’illumine de sa grâce. Ses vêtements et ses chaussures doivent être parsemés de pierres précieuses. Il n’est plus, comme Auguste, Trajan et Vespasien, un simple mortel qu’on est autorisé à approcher chaque jour et à toute heure, ou qui aborde familièrement les autres hommes, et dont la maison s’ouvre facilement à tous les citoyens libres. Pour lui adresser la parole, il faut observer un protocole spécial, et, quand on est arrivé en sa présence, il est de rigueur de se prosterner en une sorte d’adoration. L’absolutisme oriental triomphe finalement sur les ruines de l’hellénisme et du romanisme à peu près détruit par la grande crise du IIIe siècle, dans l’Empire que les Barbares désormais peuplent et gouvernent en grande partie.

Mais il n’eût pas servi à grand’chose de conférer au pouvoir suprême une autorité plus grande et un prestige divin, si la pluralité des personnes qui le devaient exercer, venait en même temps à l’affaiblir. Bien que divisé entre quatre souverains, le pouvoir suprême devait, selon Dioclétien, rester une monarchie, c’est-à-dire une unité. Comment essaya-t-il de résoudre l’insoluble problème de bâtir une monarchie, un gouvernement doué d’une unité forte, avec quatre souverains ? D’abord en subordonnant les deux Césars aux deux Augustes, et en s’assurant à lui-même, entre les deux Augustes, la fonction