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pendant plusieurs mois, s’étaient mises à proclamer de nouveaux prétendants. Une terrible insurrection de paysans ruinés et de débiteurs insolvables, l’insurrection des Bagaudes, avait éclaté en Gaule. Aux frontières, les Barbares recommençaient à s’agiter et les pirates à troubler les côtes de la Gaule et de la Bretagne. Dioclétien comprit que la tâche était trop lourde pour un seul empereur ; et peu après son avènement, dès la seconde moitié de 285 semble-t-il, il appela à la partager avec lui un de ses compagnons d’armes, Maximien, fils d’un colon de Pannonie, des environs de Sirmium. Maximien était un soldat valeureux, mais ce n’était qu’un soldat ; aussi est-il probable que Dioclétien songea d’abord à faire de lui non pas un collègue, mais un lieutenant sûr et fidèle. Et, en effet, Maximien ne reçut pas le titre d’Auguste, mais celui de César. Seulement son succès contre les Bagaudes, dont, en quelques semaines, il noya la révolte dans le sang, modifia les idées de Dioclétien, qui, en 286, lui conféra le titre d’Auguste et rendit égaux, en principe tout au moins, les pouvoirs des deux chefs de l’Etat, sans, pour cela, altérer l’unité politique et législative de l’Empire. Ils avaient bien chacun son armée, son préfet du prétoire, son budget particulier ; mais les lois et la monnaie demeuraient communes, et les actes publics portaient à la fois leurs deux noms. Le nom de Dioclétien venait cependant en premier, et sa volonté était toujours prépondérante, car, bien que son pouvoir ne fût pas plus grand que celui de Maximien, son autorité personnelle et sa valeur étaient bien supérieures. L’administration et les forces militaires des Augustes étaient distinctes, mais sans limites infranchissables, puisqu’ils n’hésitèrent jamais à pénétrer pour un motif quelconque dans les territoires qui leur étaient respectivement confiés.

En somme, à la tête de l’Empire, il y avait non plus un empereur, mais deux empereurs, égaux en puissance, de même que, pendant bien des siècles, il y avait eu deux consuls à la tête de la République. Du reste, cette réforme, déjà tentée par Valérien au début de la crise du IIIe siècle, s’imposait désormais comme nécessaire. L’Empire était menacé de tous les côtés. De nouveau, profitant de la révolte des Bagaudes, Hernies, Burgondes, Alamans passaient le Rhin ; de plus, le commandant de la flotte, chargé de donner la chasse aux pirates saxons et francs, un certain Carausius, s’entendait secrètement avec eux,