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oubliés ou même inconnus. Il est donc naturel qu’on cherche à satisfaire ces sentiments et à ranimer ces symboles. En même temps, leurs anciennes images avaient péri dans les sanctuaires écroulés par centaines. Il fallait, dans les églises nouvelles, appeler de nouvelles visions des sujets sacrés : des chemins de croix, des Notre-Dame, et aussi, peut-être, des ex-voto ou des commémorations de la guerre.

Voilà les circonstances les plus favorables, semble-t-il, à une renaissance de l’Art religieux. Ce sont celles-là mêmes qui servent aux historiens à expliquer, dans le passé, l’éclosion des chefs-d’œuvre. Si cette loi historique est juste, nous l’allons vérifier. Un élan qui précipite les fidèles dans les églises, une mortelle épreuve, un vœu unanime, la Délivrance, un appel aux artistes pour qu’ils en fixent le souvenir : — cela doit suffire pour enfanter de puissantes émotions esthétiques et religieuses, s’il est vrai que l’Art soit fonction de la vie. Et cela suffit, en effet, pour qu’on l’essaie. Mais cela suffit-il pour qu’on y réussisse ? N’y faudrait-il pas encore des conditions spécifiques de formes et de couleurs et comme une atmosphère esthétique favorable aux symboles, où les âmes contemporaines puissent se mouvoir et respirer à leur aise ? Précisons : le sentiment religieux gagne-t-il, de nos jours, à quitter le domaine des idées, pour entrer dans celui de la figuration ? Et l’Art gagne-t-il à quitter le terrain des réalités qu’il découvre chaque jour dans l’infini mystère et la diversité infinie de la Nature, pour se remettre à tourner dans le cercle très arbitraire et très limité, — au point de vue esthétique, s’entend, — des conceptions surnaturelles ? Les exemples que nous offrent les Salons, cette année, répondent. Chacun de nous, en les voyant, jugera s’ils sont l’indice d’une sève intérieure nouvelle montant à des branches de l’Art qu’on croyait desséchées, ou simplement d’un souffle passager, venant du dehors, et qui ne saurait pas plus les revivifier que les plus chauds vents d’automne ne peuvent ranimer les feuilles mourantes…


I

Tout d’abord, et pour ne pas être injuste envers nos artistes actuels, il faut se pénétrer de cette vérité : il y a peu de sujets