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peu qu’on cherche, d’y rencontrer nombre d’anglicismes : par exemple :

« Les membres de la Société s’engagent à exécuter de bonne foi les sentences rendues, et à ne recourir à la guerre contre tout membre de la Société qui s’y conformera. » (Art. 13).

« L’Allemagne s’oblige à réprimer et à prohiber… » (Art. 274).

« Si le gouvernement allemand se livre au commerce international, il n’aura, à ce point de vue, ni ne sera considéré avoir aucun des droits, privilèges et immunités de la souveraineté… » (Art. 281).

« Aucune action ne sera également recevable de la part des mêmes personnes… » (Art. 109).

La vérité, c’est que le texte français n’est plus, pour une bonne part, qu’une traduction de l’anglais. Il est donc naturel que parmi les regrets énoncés par la France à l’occasion du traité, elle ait formulé celui de se voir dépossédée de son privilège ancien. « Nous avons vu les disparités de textes, les contradictions financières, les disparités techniques ; nous avons été réduits à les lire dans cette rédaction lourde et pesante qui, pour la rédaction du traité, a remplacé cette noble langue du XVIIIe siècle, instrument universel de la diplomatie et du droit. » Ainsi s’est exprimé M. Viviani à la tribune de la Chambre des députés, le 16 septembre 1919 ; et M. Maurice Barrès déplore de son côté que « les traités n’aient pas été rédigés dans notre langue française, faiseuse de clarté. »

Ce n’est pas tout. Puisqu’il s’agissait de constituer la Société des Nations, il importait de fixer, en même temps que son siège futur, la langue qu’elle emploierait dans ses délibérations et dans la rédaction de ses actes. L’association française pour la Société des Nations, émue du traitement de défaveur fait à notre langue, voulut lui épargner un nouvel insuccès ; elle chargea d’abord un de ses membres, M. Aulard, de lui présenter un rapport sur la question. Ce rapport, sobre et solide, établit nettement nos droits. Il précise qu’il ne s’agit pas de favoriser ici des ambitions démesurées, qui pourraient sembler inquiétantes aux voisins ; mais qu’il est nécessaire, pour l’utilité générale, qu’une langue unique soit adoptée officiellement : et que cette langue doit être le français. Il rappelle les raisons historiques qui justifient cette préférence ; il montre