Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/582

Cette page a été validée par deux contributeurs.

doute aussi à ce qu’il y a toujours eu de sociable et de bienveillant dans le caractère français ; mais par-dessus tout au prestige de la France. » L’Académie, gardienne vigilante de nos droits, se fit entendre, estimant qu’il lui appartenait de rappeler à son tour que la langue française avait été reconnue depuis plus de deux siècles comme la langue diplomatique, non seulement dans les négociations où la France était intéressée, mais aussi dans celles où elle n’avait aucune part. « Abandonner cette coutume plus de deux fois séculaire, admettre l’égale valeur de textes publiés en plusieurs langues, ce serait exposer les relations internationales aux embarras et au trouble que ne manqueraient pas de produire les différentes interprétations. Ce serait aussi interrompre une tradition justement chère à la France. C’est pourquoi l’Académie tient pour assuré que le texte officiel (celui qui fera foi) des traités et des conventions à conclure, sera rédigé en langue française. » Ainsi parla-t-elle : en vain.

L’intérêt des Anglo-Saxons était trop évident, pour qu’ils ne fissent pas la sourde oreille. L’occasion était belle, ils la saisirent. Non point, ici même, par malveillance pour nous : s’ils nous comprimèrent, ce ne fut pas pour le plaisir de nous désobliger, mais pour s’étendre eux-mêmes. Ils invoquaient l’argument du nombre : comment ne pas admettre, pour la rédaction du traité, la langue la plus communément parlée dans le monde ? Ils ne nous expulsèrent pas tout à fait : il y eut désormais deux langues diplomatiques : l’une, le français, parce que tel était l’usage et la tradition, et l’autre, l’anglais, pour les Anglais. Un texte unique, auquel on pût se référer sans conteste pour trancher les cas douteux ; des traductions dans la langue de tous les États intéressés, mais dont la lettre n’aurait pas eu l’autorité de l’original : telle eût été, semble-t-il, la bonne manière et la manière habituelle de concevoir les choses. Au contraire, l’anglais s’installa en face du français ; il eut des droits égaux ; et pour que personne ne s’y trompât, ces droits furent spécifiés, à l’article 440 : Le présent traité, dont les textes français et anglais feront foi, sera ratifié

La lecture n’en est pas plaisante. Quelle lourdeur, quel embarras dans les phrases ! Que de tournures douteuses, que d’impropriétés, que de fautes même contre le bon usage, apparaissent au hasard des pages ! Il n’est pas malaisé, pour