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les langues aspirèrent à l’honneur d’être également admises. Alors on se trouva fort embarrassé. Assurément, les droits étaient pareils, et il n’y avait aucune raison de refuser à l’une ce qu’on accordait à l’autre : aucune raison, sauf la nécessité de s’entendre, et la crainte de revenir bientôt aux jours de Babel. Fallait-il apprendre aussi bien le japonais ? et demain le chinois ? après-demain, quelle autre langue ? Si bien qu’en notre XXe siècle commençant, chargé de trop de richesses, un mouvement très net se dessina pour en revenir à trois idiomes à l’exclusion des autres : le français, l’anglais, l’allemand ; avec une prédominance marquée du français.

Ceux qui s’intéressent à la lutte pour la conservation de notre bel héritage connaissent les trois congrès pour l’extension et la culture de la langue française, qui se tinrent le premier à Liége, le deuxième à Arlon, et le troisième à Gand. Au Congrès d’Arlon, en 1908, non pas un Français, mais un Belge, M. Fürstenhoff, prit la chose à cœur, et fit valoir avec beaucoup de force les raisons qui militaient en faveur de l’adoption du français, — déjà, dans la pratique, langue auxiliaire inter-européenne, — comme langue auxiliaire internationale. Le français a mérité dans le passé le nom de langue universelle, disait-il ; il ne portera pas ombrage aux divers amours-propres, d’abord parce qu’il est bien entendu que la langue auxiliaire ne nuirait en rien aux langues nationales ; ensuite parce qu’il n’y a plus de raisons d’animosité contre la France : la France a les sympathies anglaises, américaines, suédoises ; il ajoutait même : allemandes. Il fit mieux ; il constitua un groupe d’hommes de science, composé presque exclusivement d’étrangers, résidant à l’étranger, qui devint le comité provisoire d’une Entente scientifique internationale pour l’adoption d’une langue auxiliaire. Il fit mieux encore ; il intervint au Congrès mondial des associations internationales, à Bruxelles, en 1910 ; il y présenta un vœu en faveur du français, faisant remarquer que les 112 bureaux permanents des associations internationales connaissent tous le français, et que 70 de ces bureaux ont leur siège dans des pays de langue française, alors que 8 seulement se trouvent on Allemagne et 3 en Angleterre : sans compter qu’au surplus, l’Office central des associations internationales a son siège à Bruxelles. Il intervint de même au Congrès mondial de 1913 ; et, songeant qu’on n’est jamais mieux servi que