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variations sur un thème connu et déjà traité par lui-même dans le Sourire du Faune.

A Vougeot, qu’un clos réputé a rendu cher aux gourmets, vit un célibataire auquel son insouciance et sa belle humeur ont valu le surnom de Roger Bontemps. Oisif, égoïste et suffisamment rente, il passe son temps à boire et courtiser les filles. L’hôtellerie de maître Rondelet lui sert de quartier général. C’est là que Madame la baillive, matrone plantureuse et ardente, — de beaucoup le rôle le plus comique de la pièce, — vient le pourchasser, les mains pleines des propositions les moins équivoques, sinon les plus séduisantes.

Cependant la gouvernante de notre doux ivrogne lui fait remarquer que ses tempes commencent à grisonner et qu’au genre de vie qu’il a mené, la crise de goutte est imminente. L’heure approche, Tircis, où il faudra songer à faire la retraite ; justement maître Rondelet a une fille, Anne-Marie, qui est des plus avenantes : vous ne trouverez pas mieux comme garde-malade !… Roger Bontemps estime que la pénitence est douce. Et déjà les violons sont commandés.

C’est compter sans la baillive qui, en cette affaire, va jouer le rôle de la Providence. Outrée d’avoir été rebutée par Roger Bontemps, elle se déchaîne contre lui en une scène tumultueuse et appelle sur son front les malheurs que vous devinez. Roger Bontemps n’est pas un sot. Il s’avise à propos qu’Anne-Marie aime le jeune Toinet, retour du régiment, et qu’elle en est aimée. Et il prend le bon parti, qui est de marier ces deux jeunes gens et de les doter.

Non, sans doute, cette donnée n’est pas excessivement originale ; mais c’est quelque chose que la pièce soit bien menée, d’un tour heureux, d’une gaieté aimable et parfois d’une large belle humeur. Et c’est beaucoup que le théâtre ait renoncé à cette manie qu’il avait, il y a quelques années, de faire épouser des quinquagénaires à de vertes fillettes. Il revient à la tradition gauloise. Il fait mieux encore, puisque maintenant c’est Arnolphe qui marie Horace avec Agnès !

M. Hasti, dans le rôle de Roger Bontemps, a de la verve, de la gaieté, de l’émotion. M. Laroche est un amusant bailli. Et Mme Marcelle Yrven a obtenu, dans le rôle excellent de la baillive, un franc succès. Mlle Sergyl, lauréate du dernier concours du Conservatoire, s’est montrée, sous les traits d’Anne-Marie, une gentille ingénue.


RENE DOUMIC.