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Enfin l’astronome italien Cerulli a montré qu’avec une lunette suffisamment faible et diaphragmée on arrive à voir sur la lune elle-même des apparences identiques aux prétendus « canaux de Mars. »

Mais les tenants de ces canaux ne se sont pas tenus pour battus. Ils ont invoqué, en en tirant argument, de petites photographies de Mars obtenues à la lunette, notamment par Lowell, et où on voit des traînées rectilignes analogues aux « canaux. »

À cela M. Charles André a répondu très fortement que les défectuosités optiques dues à un pouvoir séparateur insuffisant sont les mêmes photographiquement que visuellement. La plaque sensible n’est qu’une sorte de rétine enregistreuse qui reproduit fidèlement même les défauts des images qu’elle reçoit. À l’appui de cette manière de voir on peut citer une curieuse expérience due à MM. Lumière de Lyon, les célèbres fabricants de plaques. Si on photographie une certaine diatomée, Pleurosigma angulatum, à l’aide de deux objectifs dont le second a un pouvoir séparateur assez faible, on constate que les points séparés qui recouvrent cette diatomée et qui sont nettement distincts sur le cliché donné par le premier objectif, sont au contraire réunis par des lignes droites sur le cliché donné par le second.

Or, précisément M. Lowell avoue dans son dernier ouvrage qu’il n’a réussi à photographier des canaux sur Mars qu’en diaphragmant très fortement l’objectif, c’est-à-dire en diminuant son pouvoir séparateur.

Finalement M. Hale, le savant astrophysicien de l’observatoire de Mount-Wilson, a photographié Mars au moyen du télescope géant de cet observatoire qui constitue un appareil unique avec son miroir admirable de 1m52 de diamètre.

Les photographies de Mars ainsi obtenues dans une atmosphère parfaite et au moyen d’un instrument de pouvoir séparateur sans égal et qui montrent sur Mars une foule de détails délicats qu’on n’avait pas encore aperçus, ne montrent pas la moindre trace des prétendus « canaux » rectilignes de Schiaparelli et de Lowell.

Tout cela confirme avec éclat ce qu’écrivait Newcomb : « Toutes les nombreuses spéculations auxquelles on s’est livré au sujet de l’habitabilité de la planète Mars sont des fantaisies qui ne reposent sur aucun fait positif d’observation. »

Pour m’exprimer d’une manière plus précise, on peut conclure, je crois : les fameux « canaux » de Mars n’existent pas, ou du moins ils n’existent pas sur Mars. Ce ne sont pas des phénomènes purement subjectifs ; ce sont des apparences instrumentales dues aux