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toire de Yerkes, M. Frost, a répondu par le câblogramme suivant dont on goûtera la concision romaine et l’humour très anglo-saxon :

« Télescope Yerkes trop puissant pour canaux ! » On voit que M. Lowell a trouvé quelques contradicteurs parmi les astronomes américains. Décidément nul n’est prophète en son pays.

Si nous passons maintenant aux observatoires européens, et particulièrement à ceux de France, les mêmes constatations s’imposent. La plus puissante lunette de France est celle de l’observatoire de Meudon, que dirige, avec tant de science intelligente et avec des vues si lumineuses sur l’avenir, l’astronome Deslandres. Or les observateurs qui ont examiné Mars avec ce puissant instrument n’y ont rien vu qui ressemble aux « canaux. » Parmi ces observations, celles de M. Antoniadi méritent particulièrement d’être signalées, parce que cet astronome est de ceux qui, observant antérieurement Mars avec des instruments plus faibles, a, pendant longtemps, cru voir et indiqué dans ses dessins de multiples canaux sur la planète.

De tout cela, le simple bon sens permet de déduire, a priori, que vraisemblablement les « canaux » de Mars n’existent pas objectivement à la surface de la planète. Il est, en effet, inconcevable, inadmissible, que des objets qui sont vus avec des lunettes médiocres, qu’on voit d’autant moins que la puissance des lunettes augmente, et dont il n’y a plus d’apparence avec des lunettes très puissantes, existent réellement.

Mais il ne suffit pas de nier pour expliquer. Il est incontestable que des astronomes habiles et dont l’expérience et la bonne foi ne sauraient être mises en doute ont vu avec des lunettes à faible puissance les apparences qu’on a appelé les « canaux de Mars, » et que les dispositions et la répartition géométrique de ces « canaux » concordaient.

Comment cela est-il possible ? Comment se fait-il qu’avec une faible lunette, on constate des choses qui n’existent pas avec une plus puissante ?

L’explication est assez simple. Divers savants ont contribué à l’établir et notamment le regretté Charles André, directeur de l’observatoire de Lyon et qui fut chez nous un des lucides et intelligents pionniers de la physique stellaire aujourd’hui si florissante… en Amérique.

Voici, grosso modo, et sans entrer dans des détails techniques un peu ésotériques, quelle est cette explication qui ne peut d’ailleurs laisser aucun doute.