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avec une grande prudence pour ne pas réveiller les méfiances assoupies des autorités, et surtout l’animosité de l’ex-conventionnel régicide Batelier, devenu commissaire du Directoire près le tribunal de Vitry-sur-Marne et demeuré l’ardent champion de l’idée révolutionnaire. Une fois en possession de l’objet désiré, les fidèles d’Hervagault cherchèrent pour lui un asile confortable chez quelque personnage assez important pour être par sa situation, à l’abri des tracasseries de la police : M. Jacobé de Rambécourt, riche propriétaire à Vitry-sur-Marne, sollicita l’honneur de le recevoir, — se procurant ainsi la satisfaction de narguer le jacobin Batelier dans son propre ressort. Allié aux nobles familles du Perthois, M. de Rimbécourt, ci-devant écuyer et seigneur des Clauserets, avait fait, en 1789, partie de l’Assemblée de la noblesse lors de la convocation des États-Généraux : il possédait à Vitry un vaste hôtel où le jeune Roi pouvait attendre dignement son intronisation prochaine. M. de Rambécourt, accompagné d’une dame Michel, estimée pour ses sentiments royalistes, allèrent chercher à Châlons le Télémaque français, — on n’imagine pas de quelle débauche de métaphores l’incognito du Prince était l’occasion, — et le ramenèrent à Vitry-sur-Marne où était disposé pour lui un appartement à l’hôtel de Rambécourt.

Hervagault fut traité là avec « autant de profusion que d’élégance » et son adaptation subite à ce cérémonial qui paraissait lui être depuis longtemps habituel, consolidait encore la foi de ses adeptes qui, du reste, n’avait pas besoin de ce surcroit de fondement. La Cour se composait, outre M. et Mine Jacobé de Rambécourt, de M. et de Mlle Peudefer, des dames Saignes et Félix, de Châlons, de M. de Torcy, fils du député de la Marne au Conseil des Cinq Cents, et des autres initiés déjà mentionnés ; le 6 fructidor an IX, veille de la ci-devant Saint-Louis, la fête du Roi fut célébrée à Pringy, chez Mme Jacobé : on présenta à Hervagault un superbe bouquet qu’il daigna accepter aux cris de joie et de reconnaissance de tous les assistants fondant en larmes. D’après le témoignage de M. de Beurnonville, l’ancien garde du corps, c’est à cette réunion que, sollicitée par ses partisans, Sa Majesté consentit à donner la preuve de son identité royale. L’un d’eux, ayant habité Rome au temps de l’émigration, avait entendu raconter que le Dauphin, évade du Temple, fut conduit dans la ville