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nouvelles anglo-indiennes — oh, le regret sans arrêt, qui fait mal ! oh, la mer sombre qui sépare ![1] — qu’il a connu le désir du Nord anglais, où tout procède par lentes transitions, où sous un ciel voilé, dans la pâleur d’un jour qui meurt insensiblement, un petit clocher qui tinte, de bas cottages sous du chèvrefeuille, s’harmonisent à des prés engourdis. Senteur de fumée dans le soir, odeur de pluie dans la nuit… Et l’on dirait, enfin, que la vie, qui nous atteint tous, a mordu sur celui qui nous avait donné la sensation de la force souveraine, qu’il s’est sensibilisé dans la commune souffrance (et comme dès lors il est plus près de nous, comme il nous touche davantage ! ) — et que là seulement, dans cette enveloppante campagne anglaise dont le souvenir et le besoin obscurs vivaient en lui sans qu’il le sût, il a trouvé son ordre et sa paix. A propos des influences de ce pays, je parlais tout à l’heure de « charme. » C’est le titre même du poème qui en dit les secrets pouvoirs de guérison :

Prends de la terre anglaise juste autant — que tes mains en peuvent saisir. — En la prenant, murmure — une prière pour tous ceux qu’elle recouvre. — Non pas les grands ni ceux qu’on a loués — mais tous les simples dont nul ne sait les nombres, — dont la vie et la mort — ne furent ni célébrées ni lamentées. — Mets cette terre contre ton cœur, — et ton mal te quittera !

Quelle ferveur en ces derniers mots, et quel sentiment de quiétude retrouvée ! C’est comme un baume dont ce cœur se pénètre avec une passion silencieuse. « Il purifie, il rafraîchit — la fiévreuse haleine, l’âme qui tournait au noir ; — il est puissant à calmer la main et le cerveau trop affairés, — il allège la lutte mortelle — contre la souffrance immortelle de la vie… » Qui n’a connu cette douceur du retour au pays ? On se laisse envelopper, reprendre ; c’est comme un chant de nourrice qui revient : on s’arrête, on ferme à demi les yeux pour l’écouter…

Mais le chant, ici, vient de bien plus loin que l’enfance, — du profond de tous ces morts dont la cendre mêlée à cette terre en fait la vertu d’apaisement. Leur trace est partout visible : dans les vieux chemins creux coupés de barrières qui furent toujours à la même place, dans le manoir dont la fumée monte

  1. Christmas in India, dans Departmental Ditties.