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de quel regard modifié l’examinera-t-on ? Le poilu, l’officier de complément ont connu cette épreuve. Chose étrange, l’officier de carrière aussi.

La case de cet officier, c’est sa famille : elle a subi, comme tout le monde, le contre-coup des bouleversements du pays ; c’est aussi son régiment, mais quel régiment ? Celui avec lequel il est parti ? Le lieutenant est devenu capitaine, commandant, et a changé de corps. Celui avec lequel il combattait dans les dernières années ? Ce régiment est supprimé ou il est en territoire occupé. L’officier de carrière est déraciné ; il se demande d’ailleurs ce que sera sa carrière du temps de paix et, après ces vibrantes années de guerre, il est anxieux de savoir comment vont s’employer une activité et une maturité formées par la bataille.

Il importe de lui montrer l’avenir, de l’assurer tout d’abord que derrière lui vont se ranger de nouvelles générations d’officiers issus du même large recrutement, formés par le même souple enseignement, aptes par conséquent à reconstituer en quelques années l’organisme vibrant d’avant-guerre perfectionné par la dure expérience de la victoire.

Et devant lui ? Devant lui, un rude labeur, mais combien passionnant ! Qu’il faille monter la garde au Rhin prêt à la lutte immédiate, qu’il s’agisse de se consacrer corps et âme au sacerdoce de l’instruction militaire de la jeunesse, que l’occasion se présente de porter à l’étranger l’influence française, toujours c’est le même idéal qui éclaire la carrière de l’officier, l’idéal, vers lequel se tourne la nation entière, l’idéal que sa volonté définit : gagner la paix.

Dans cette voie, l’officier s’avance en continuant l’œuvre des camarades tombés pour gagner la guerre, car il assure le plein rendement de leur sacrifice. Et, en même temps, il se maintient au contact étroit de la force suprême qui lui a donné la victoire à la Marne, à Verdun, à la bataille de France : il vit d’idéal de la patrie, il fait corps avec la nation.

Il est dans le bon chemin.

Général Debeney.