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enlevé, sans autre forme de procès, des épaules robustes du Germain que cet effort fiscal n’aurait certainement pas fatigué.

Il est évident que le docteur Keynes, médecin qui s’installe au chevet de l’Allemagne, voit admirablement les remèdes susceptibles de rendre la pleine santé à son malade : il n’a d’yeux que pour lui et oublie complètement les Alliés : eux aussi cependant auraient besoin d’une consultation en bonne et due forme. Et voici tout ce qu’on leur suggère pour guérir leurs souffrances : dissoudre la Commission des réparations, l’organe essentiel du traité. Celui-ci en effet repose tout entier sur une idée de justice, de réparation par les Allemands du dommage qu’ils ont causé ; et, afin que cette réparation soit adéquate, ni inférieure, ni supérieure à la réalité des faits, un aéropage a été constitué qui a mission d’en déterminer l’importance et les modalités. Une commission internationale, qui s’entoure de tous les renseignements, « opère avec le plus grand souci de l’équité, sans être liée par aucune législation ni aucun code particuliers, ni par aucune règle spéciale concernant l’instruction et la procédure. « Elle sera guidée, dit le traité, par la justice, l’équité et la bonne foi. Elle étudiera les réclamations et donnera au Gouvernement allemand l’équitable faculté de se faire entendre. »

L’une des tâches de la Commission des réparations consiste à estimer périodiquement la capacité de paiement de l’Allemagne et à examiner le système fiscal allemand, afin que tous les revenus de l’Allemagne, y compris les revenus destinés au service et à l’acquittement de tout emprunt intérieur, soient affectés par privilège au paiement des sommes dues par elle à titre de réparations. La Commission doit s’assurer que le système fiscal allemand est aussi lourd proportionnellement que celui d’une quelconque des puissances alliées.

Est-il rien de plus sage que ces dispositions ? Serait-il admissible que les contribuables français, anglais, belges, italiens, serbes et autres, pliassent sous le faix d’impôts excessifs, alors que les Allemands y échapperaient ? M. Keynes craint le mécontentement du peuple germain. Quel serait donc l’état de l’opinion publique à Londres, à Paris, à Bruxelles, à Rome, à Belgrade, le jour où la comparaison des feuilles de contribution, le rapprochement de « la carte à payer, » démontreraient une inégalité choquante au détriment des Alliés ?