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de Brest-Litovsk avec la Russie et le traité de Focsani avec la Roumanie, qui stabilisait définitivement leur front Est. En Orient, une offensive des armées alliées du général Sarrail avait été facilement repoussée en mai, et ce front paraissait de plus en plus solide. Les divisions allemandes d’Italie pouvaient être ramenées en France, en même temps que beaucoup de divisions du front russe ; il ne restait plus dans l’Est que des troupes de police dont les hommes étaient tous âgés de plus de trente-cinq ans.

Le front Ouest où s’exécutait cette formidable concentration s’était assoupi après la bataille de Cambrai. Alors qu’à la fin de 1916 les armées allemandes s’instruisaient selon un règlement sur la défensive, un an après elles manœuvraient et s’entraînaient à une guerre de mouvement selon la nouvelle instruction sur La bataille offensive dans la guerre de position : « Toutes les pensées devaient être ramenées de la guerre de tranchées à l’attaque, » disait Ludendorff.

Au point de vue politique, il était devenu évident qu’une paix blanche sans vainqueur ni vaincu, conclue sur les positions du moment dont il serait tenu compte dans une certaine mesure, était impossible, et que seule la victoire par les armes pouvait mettre fin à la guerre. Mais cette certitude était acquise depuis longtemps par le Haut Commandement, sinon par le gouvernement allemand, et n’entrait guère en ligne dans sa décision, pas plus que la déclaration de guerre des États-Unis.

Mais d’impérieuses considérations militaires, à défaut d’autres motifs, imposaient l’offensive. Les moyens d’attaque, des deux côtés de la tranchée, étaient supérieurs aux moyens de défense et on était revenu, dans le duel fameux, au point où l’épée est plus forte que la cuirasse. En outre, le matériel dont disposaient les armées franco-britanniques se révélait plus redoutable encore que le matériel allemand, et, d’autre part, la valeur des troupes allemandes baissait parce que les pertes répétées, s’exerçant sur les plus braves, avaient produit une sélection à rebours. Ludendorff s’étend longuement sur cette situation dans ses Souvenirs de guerre, et il ajoute : « L’attaque relevait le moral des troupes ; la défensive le déprimait. L’offensive était donc de l’intérêt de l’armée. Dans la défensive, elle devrait succomber peu à peu à la supériorité toujours croissante de l’ennemi en hommes et en matériel.