Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.

elles modifient en même temps la façon de l’instruire en temps de paix. L’enseignement professionnel, destiné à former l’officier à la double mission de chef et d’instructeur, repose donc tout entier sur la notion exacte du combat moderne ; c’est cette notion qui doit imprégner non seulement les règlements, mais surtout les esprits ; elle constitue la base dont la solidité assure la valeur de l’enseignement.

Certes, la notion exacte du combat moderne subsistera, tant que l’impression des réalités restera poignante, mais celle-ci s’atténuera avec le temps et alors apparaîtront les systèmes brillants fondés sur les expériences de polygone et conduits selon la méthode déductive. Ces déviations sont naturelles ; on les a déjà vues se produire dix ans après 1870, mais on leur connaît un correctif ; c’est une organisation des études historiques conduite avec la plus rigoureuse et scientifique méthode, étude dont les documents parlants, les tableaux réalistes, feront revire les impressions de l’heure et permettront de maintenir les procédés d’emploi des troupes et les méthodes d’instruction dans un esprit de réalité, alors même que les découvertes scientifiques en auraient changé la forme.

Que faut-il entendre par esprit de réalité ?

C’est que les combinaisons stratégiques, les procédés tactiques, les inventions mécaniques ou chimiques ont pour aboutissant l’homme, l’homme en chair et en os avec ses grandeurs et ses faiblesses. C’est toujours à l’homme qu’il faut en arriver, car ce qui réalise, ce ne sont pas les vertus propres des combinaisons, des procédés ni des inventions, c’est leur effet sur l’homme.

Ainsi tous ceux qui ont fait cette guerre sont unanimes à affirmer que la tactique actuelle repose non pas sur le perfectionnement des canons et des fusils, mais sur les effets foudroyants du feu : la défensive, c’est le feu qui arrête ; l’offensive, c’est le feu qui marche ; la manœuvre, c’est le feu qui se déplace. Que plus tard les gaz, par exemple, se substituent à l’explosif et à la balle, la forme de la tactique se trouvera modifiée. Mais la base de ces modifications devra encore être cherchée non pas dans les propriétés intrinsèques des engins nouveaux, mais encore et toujours dans leurs effets sur l’homme, et ce sera l’asphyxie qui arrête, l’asphyxie qui marche, l’asphyxie qui se déplace.