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allaient combattre sous un chef étranger ; cette décision fait le plus grand honneur à M. Lloyd George, qui a compris et admis toutes les nécessités de la lutte engagée, au gouvernement de M. Briand, et enfin au général Nivelle, dont les talents et le caractère ont inspiré confiance à nos alliés.

Mais deux faits nouveaux changeaient l’équilibre général des forces en présence : l’entrée en ligne des États-Unis d’Amérique et la révolution russe.

La guerre sous-marine à outrance avait été décidée par le haut commandement allemand, auquel le chancelier de l’Empire avait remis la responsabilité ; elle entraînait la guerre avec les États-Unis, qui ne pouvaient admettre que leurs navires fussent coulés sans autre motif que de se trouver dans les parages de la France et de l’Angleterre. Le calcul de cette force nouvelle avait été établi : étant donnés les premiers résultats obtenus par la guerre sous-marine, il était impossible, même en supposant que les renseignements fournis par l’amirauté allemande fussent trop optimistes, que l’Amérique pût transporter et approvisionner une armée considérable sur le continent européen. D’ailleurs cette armée eût été de bien médiocre valeur.

Ludendorff rappelle le discours prononcé au Reichstag par le chef des socialistes majoritaires Scheidemann, rejetant la responsabilité de la guerre sous-marine sur l’Entente qui avait repoussé les ouvertures de paix : « Lloyd George est le parrain des nouvelles décisions prises par les dirigeants de l’Empire en ce qui concerne la guerre sous-marine. La guerre sous-marine à outrance a été véritablement décidée par la conférence des alliés à Rome. Maintenant que cette décision est prise, maintenant que la chose est en route, nous ne pouvons plus que souhaiter de tout cœur que cette guerre nous apporte bientôt la paix. Nous nous fions à la force de notre peuple armé jusqu’aux dents… » La décision prise par Hindenburg-Ludendorff avec l’assentiment du chancelier était donc approuvée par tous les partis, en entière connaissance de cause. Elle fut notifiée le 30 janvier, et le 3 février, le président Wilson déclara solennellement au Congrès que les relations avec l’Allemagne étaient rompues. Les 5 et 6 avril, le Sénat et la Chambre des représentants reconnurent l’état de guerre avec l’Allemagne. Combien de temps serait nécessaire pour qu’une armée amé-