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ture est évidente : elle s’imposait particulièrement en 1917. Il fallait obliger les états-majors et les cadres, à tous les échelons, à réfléchir sur les nécessités de la guerre de mouvement, perdues de vue depuis longtemps, à prévoir l’équipement du fantassin et l’allégement des équipages, la formation des colonnes, leur marche, leur ravitaillement, à déterminer les groupements d’artillerie lourde qui rejoindraient successivement chaque corps d’armée et l’armée, à étudier les obstacles naturels et les réseaux routiers, etc. Évidemment, le général Micheler allait un peu loin en envisageant une menace sur les communications ennemies « qui seraient alors resserrées entre les Ardennes et la pointe méridionale de la Hollande, » mais cette anticipation, qui s’est d’ailleurs réalisée l’année suivante, s’arrêtait aux états-majors d’armée.


L’offensive était en pleine préparation sur tout le front, quand le général Franchet d’Espérey, commandant le groupe des armées du Nord, signala le 4 mars qu’à n’en pas douter l’ennemi préparait un repli sur une position à une vingtaine de kilomètres en arrière ; il en concluait la nécessité, soit d’attaquer le plus tôt possible, soit de modifier la forme de l’offensive, qui prévoyait une préparation de cinq jours au cours de laquelle l’ennemi aurait eu le loisir de se retirer. Sceptique, le général Nivelle décida d’abord de ne rien changer à son plan d’opérations. Mais le général d’Espérey, de plus en plus convaincu, donna l’ordre de garder le contact de l’ennemi en le suivant dans sa retraite et le général Nivelle prescrivit alors de fréquents coups de main pour s’assurer de sa présence, et, en cas de repli, une poursuite devait être menée avec le minimum de forces. Le général d’Espérey prévoit une attaque pour le 17 mars, mais dès le 14 la poursuite commence et le général en chef ne pense plus qu’à la pousser. Le général d’Espérey s’y emploie avec toute l’activité de son tempérament, il doit réagir contre les habitudes de prudente lenteur qu’a invétérées la guerre de tranchées, et contre l’appréhension d’une savante manœuvre pour attirer ses corps d’armée en plaine, à la merci d’une contre-attaque.

Au début, la progression de l’infanterie fut un peu hésitante, sauf au premier corps colonial, qui partit à belle allure. Mais