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sentent dans l’État l’organe centralisateur, l’activité organisée, la puissance de l’habitude. Des millions de gestes accumulés viennent s’inscrire dans leurs cartons avec le pouvoir incalculable de la répétition. Tout s’y classe à l’état de formules. Les bureaux sont l’être aux mille têtes, qu’on ne supprime pas plus que celles de l’hydre, et qui n’ont à elles toutes qu’une pensée impersonnelle d’administration ; quand le monde croulerait, ils administreraient toujours, ils incarnent dans la vie sociale la fonction de l’automatisme.

S’il en est ainsi en France, qu’on juge de ce que les bureaux peuvent être en Allemagne, le pays de la tradition. Là, point de mœurs publiques, point de corps politique ayant une vie propre et capable de faire contre-poids aux bureaux. L’administration de l’Empire se complique des administrations différentes des États confédérés. Le chancelier impérial est en même temps le président du Conseil des ministres prussiens, qui peuvent le mettre en échec sur une question prussienne. Bref, qu’on imagine « une vieille bâtisse gothique, faite de pièces et de morceaux, avec un enchevêtrement de recoins, des grilles, des barreaux, des oubliettes et des gargouilles, » telle enfin que M. Hammann confesse qu’il a dû renoncer à en faire comprendre à des visiteurs étrangers le plan « furieusement vieillot et suranné. »

La seule description d’un coin de la maison, celui où nous introduit l’auteur de ces Mémoires, suffit à en donner une idée.

Voici donc quelle était, au temps où il y entra lui-même dans les services de la presse, la constitution du Ministère des Affaires étrangères. Le personnel n’avait pas été accru depuis la fondation de l’Empire, et demeurait le même qu’au temps du roi de Prusse. « Abstraction faite de la création d’une section coloniale, qui ne fut du reste qu’éphémère, tout était sur le pied de la plus grande parcimonie. La section I se divisait en deux sous-sections, A et B, dont la première (politique) se composait de cinq membres, la seconde (personnel) n’en comportait que deux. La division A dépendait immédiatement du secrétaire d’État, la division B d’un directeur. La section II (commerce, consulats, émigrants) avait un directeur et six membres ; tandis que la section III (Droit des gens, contentieux, questions de frontières, art et science, droit constitutionnel) avait aussi un directeur, mais seulement cinq membres. Au