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La réponse de Pie IX fut une invitation adressée à la curie épiscopale d’Orléans, pour qu’elle commençât l’examen régulier de la cause.


VIII. — COMMENT JEANNE D’ARC DEVINT « VÉNÉRABLE »

L’horizon d’Orléans s’illuminait. Du haut de la chaire de Sainte-Croix, le 8 mai 1872, le futur cardinal Perraud signifiait aux juges de Rouen : « Dieu aussi bataillera. Vous ferez de Jeanne une victime ; il en fera une sainte et une martyre. »

Dupanloup constitua un tribunal ecclésiastique qui, du 2 novembre 1874 au 28 janvier 1876, recueillit trente-trois témoignages. L’un des témoins s’appelait Henri Wallon, secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions ; il s’était récemment illustré comme historien de Jeanne, et Pie IX le remerciait, dans un bref, d’avoir « mis en relief cette gloire insigne de la France. » Wallon, à quelques mois de distance, eut la piquante fortune d’être devant les juges d’Église le parrain de Jeanne d’Arc et devant les représentants du peuple français le parrain de la constitution républicaine.

Le dossier constitué par le tribunal d’Orléans s’en fut à Rome. Monsabré, le 8 mai 1877, disait à Dupanloup, devant la chrétienté orléanaise : « Puissiez-vous obtenir bientôt des autels dans l’église pour celle qui a déjà des autels dans nos cœurs ! » Dupanloup dépensait ses derniers mois de vie à émouvoir, en faveur de Jeanne, la France et le monde. On voyait le vieil évêque, dans cette année 1878 où la mort le fit se reposer, tendre encore ses mains à la charité française pour que dans sa Cathédrale des vitraux fussent installés, exhibant les hauts faits de la vie de la Pucelle. Quinze jours avant de succomber, il écrivait au prince de Joinville, au comte de Chambord, pour qu’ils appuyassent auprès du Saint-Siège les désirs d’Orléans[1].

Le futur cardinal Coullié lui succéda. Il allait souvent à Rome ; et dans chacun de ses voyages, après avoir parlé de ses diocésains, il reparlait de cette fille de l’Est qui, quatre cent cinquante ans plus tôt, avait sauvé sa ville épiscopale. On

  1. Lagrange, Vie de Mgr Dupanloup, III, pp. 457 et 468-469. Paris, 1884.