Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur lendemain, la délivrance d’Orléans, cette quasi-résurrection de la nation française, se commémora bientôt par trois jours de piété. Le 7 mai, les premières vêpres ; le 8, la fête, procession et sermon ; le 9, le service pour les morts. La mère de Jeanne, Isabelle, qui depuis 1440 était installée à Orléans, pouvait assister au déroulement de ces pompes ; et Jean du Lys, neveu de Jeanne, accourait de sa terre de Villiers pour prendre place dans le cortège, une place de choix. et devant lui l’on portait un cierge auquel était appliquée une petite image de la Pucelle[1].

Les Orléanais qui bien exactement s’associaient à toutes les cérémonies furent informés, le 9 juin 1452, par le cardinal d’Estouteville, légat du pape, que cent jours d’indulgence seraient désormais leur récompense. A l’encontre des Bourguignons qui persistaient à ricaner que la Pucelle était le diable, ils avaient donc eu raison de penser qu’elle était une grâce, et de bénir le ciel pour ses prétendus sortilèges. Un évêque de Bourgogne, Jean Germain, osait encore écrire, en cette année 1452, que Jeanne n’était qu’une « femme détestable, la risée des femmes, le scandale des hommes, » et que la justice de l’Église l’avait condamnée[2]. Mais silence à Jean Germain ! Un authentique représentant du pape, un cardinal, octroyait aux Orléanais de belles faveurs spirituelles, auxquelles leur propre évêque, Thibault d’Aussigni, ajoutait encore quarante autres jours d’indulgence. En élevant leurs pensées, les 7, 8 et 9 mai, vers cette « femme détestable, » lis gagnaient des grâces. Sorcière ! avait-on dit. En commémorant l’œuvre de cette sorcière, bien loin de se vouer à l’enfer, ils se libéraient d’un peu de purgatoire.

Les fêtes du patriotisme devenaient ainsi des mobilisations de dévotion. Les procureurs de la ville d’Orléans étaient les premiers à s’en réjouir, et bientôt ils allaient eux-mêmes cogner aux portes de ce trésor spirituel dont l’Eglise disposait. Car il ne leur suffisait plus qu’en 1474 l’évêque François de Brilhac eût renouvelé les générosités naguère accordées par Thibault d’Aussigni : ils faisaient une démarche officielle auprès de Jean Bolin, cardinal, évêque d’Autun, et ils obtenaient de lui, en 1482, cent autres jours d’indulgence. C’était

  1. Mantellier, Histoire du siège d’Orléans, p. 187. Orléans, 1867.
  2. Ayroles, op. cit. III, p. 535-536.