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qui précédait de quarante-huit heures l’arrivée de mon personnel. Renseignements, téléphones, moyens d’impression, tout me fut fourni par elle. Jamais nous ne lui aurons trop de reconnaissance.

Le général Harries avait peu de ses nationaux prisonniers. Aussi fut-il chargé spécialement des petites nations, Serbes et Roumains, qui n’avaient pas, au début, de représentants dans notre commission. Ces pauvres gens faisaient peine. Sans ressources, sans envois de leur pays, ils étaient misérables. Les nôtres en avaient pitié et voulaient les emmener en France avec eux, quitte à voir leur propre départ retardé de plusieurs jours. J’ai eu toutes les peines du monde à empêcher l’exode de tous ces amis vers la France, hors d’état de les recevoir. Avec la complicité des Allemands qui cherchaient à se débarrasser d’eux, quelques trains de Serbes m’échappèrent et passèrent chez nous. On finit par les évacuer par chemin de fer sur la Serbie, tout essai de rapatriement par le Danube ayant échoué.

Les Roumains retenus, contre toute loyauté, bien que la paix de Bucarest eût dû les libérer depuis longtemps, furent rapatriés par chemin de fer également. Une mission d’officiers roumains était arrivée sur ces entrefaites pour y travailler. Serbes et Roumains furent d’ailleurs nourris par nous jusqu’à leur départ.

Nous eûmes aussi à nous occuper des Grecs. Ce n’étaient pas des prisonniers proprement dits, mais bien les troupes d’un corps d’armée qui s’était rendu avec armes et bagages aux Allemands sans combattre. On les avait conduits à Görlitz où ils étaient considérés comme les invités du gouvernement allemand. Je m’employai à leur libération, mais en m’efforçant toutefois que leur départ ne commençât qu’après la mise en train du mouvement des Serbes. Le contraire eût été trop immoral, et le général Harries, chargé de l’opération, fut de mon avis.


LES PRISONNIERS RUSSES


Il ne restait plus que les Russes. Ce fut notre cauchemar.

L’état des prisonniers russes en Allemagne, qui me fut fourni en décembre 1918, évaluait leur nombre à 1 200 000. Rien que la paix de Brest-en-Lithuanie fût signée depuis près d’un an, les Allemands n’avaient rien fait pour les rendre à