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II

Certes, les propagandistes du bolchévisme ne réussiront pas à ébranler les États asiatiques fortement constitués, les civilisations antiques et brillantes, telles que la Chine et le Japon. Mais, contre le Japon, ils travailleront à dresser le nationalisme de vingt millions de Coréens, et déjà leurs agents s’y appliquent. En Chine, ils tenteront d’utiliser à leurs fins les sociétés secrètes, cette plaie endémique du grand Empire ; ils enrégimenteront les révolutionnaires mécontents, les ambitieux déracinés qui flottent toujours à la surface de la société chinoise. Le 24 août 1919 se réunit à Moscou un meeting d’ouvriers coréens ; le « chef du département oriental du commissariat du peuple aux Affaires étrangères » y donna lecture d’une adresse des Soviets russes au peuple chinois, qui fut ensuite tirée à dix mille exemplaires et expédiée en Extrême-Orient ; l’adresse se termine par ces mots qui en résument l’esprit : « Nous venons au secours du peuple chinois. »

Dans les Marches qui entourent l’Empire du Milieu, particulièrement au Nord et à l’Est, vivent des peuples tributaires du gouvernement chinois, mais pratiquement indépendants ; ce sont les descendants dégénérés de ces Mongols et de ces Turcs que le Tchinguiz-Khan, au XIIIe siècle, groupa sous sa bannière et lança à la conquête de la Chine, de l’Asie occidentale et de la Russie. Ils sont incapables aujourd’hui de jouer un rôle politique ou militaire de quelque importance ; mais, parmi les outlaws de la steppe, il ne manque pas d’aventuriers dont l’appât d’une forte solde et l’attrait du pillage feraient aisément des soldats « rouges : » tels sont les Khoungouses des bords de l’Amour. Six années de guerre ont laissé en Sibérie nombre de soldats en rupture de ban, de déserteurs, de prisonniers de tous pays qui forment des bandes irrégulières prêtes à se battre pour qui les paye, à piller impartialement les deux partis, à ruiner villes et campagnes ; les agents recruteurs des bolcheviks trouveront là un réservoir de forbans et de crève-la-faim.

Le centre principal des opérations bolchévistes c’est le Turkestan russe. Depuis les approches de Moscou jusqu’au-delà des Pamirs et de l’Altaï, depuis le haut plateau de l’Iran jusqu’aux déserts glacés du Nord, vivent des tribus toiiraniénnes