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qu’on avait bien soupçonnée avant lui[1], mais que personne n’avait précisée et approfondie comme lui et qui serait peut-être la plus importante : la source musulmane. Mahomet a inspiré Dante. L’imagination des sectateurs du Prophète l’a précédé dans son prodigieux voyage ut lui en a préparé les étapes. Virgile et lui ont souvent marché sur les traces des Abenarabi et des Abulala.

Avant de montrer comment M. Asin fut amené à sa découverte, il est bon, je crois, de le présenter lui-même. M. Miguel Asin Palacios est né à Saragosse en 1871. Ce fut à l’Université de cette ville qu’il passa sa licence ès-lettres en même temps qu’il faisait ses études ecclésiastiques au séminaire. Il y connut le professeur de littérature arabe, M. Julian Ribera, et l’enseignement de ce maître admirable l’orienta décidément vers l’histoire de la philosophie et de la théologie hispano-musulmanes. Docteur ès-lettres en 1896 et, l’année suivante, docteur en théologie, il obtint aussitôt une chaire à la Faculté de philosophie scolastique du séminaire de Saragosse, qu’un bref du Saint-Siège a élevé au rang d’Université pontificale. En 1903, à la suite d’un brillant concours, on lui offrit la chaire de langue arabe à l’Université de Madrid. En 1914, il entrait à l’Académie des Sciences morales et politiques et, en 1919, à la Real Academia. Dès ses premiers pas, ce jeune prêtre s’était imposé à l’admiration du monde savant. Voici plus de vingt ans qu’il poursuit sans relâche des études qui tendent à remettre en lumière les doctrines des penseurs musulmans de l’Espagne et à marquer leurs relations intimes avec celles des occidentaux ; puis à expliquer par ces doctrines la première renaissance de la scolastique au XIIIe siècle ; enfin, à prouver les origines chrétiennes de la mystique musulmane. C’est ainsi qu’il a fait successivement revivre Algazel, un des auteurs éminents de l’Islamisme, qui n’était connu que par des fragments et qui a tant influé sur l’Europe chrétienne du Moyen Age ; — Abenmasarra dont les manuscrits étaient perdus et dont il a patiemment reconstitué le système morcelé et enfoui chez ses disciples et ses contradicteurs ; — et ce merveilleux Abenarabi, le Murcien, que l’Europe ignorait presque entièrement et qui

  1. E. Blochet : Les Sources orientales de la Divine Comédie, Maisonneuve, 1901.