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mais nous n’avons pas reconstitué l’armée du temps de paix, d’où sort l’armée de la guerre. La France a jeté son épée au lieu de la remettre au fourreau.

Beaucoup de bons esprits cherchent la raison de la fin si brusque d’une guerre si longue ; puisqu’une lutte de quatre années a pu se terminer par une offensive de trois mois, commencée au moment où les armées de l’Entente venaient d’éprouver une suite de cruelles défaites, on peut se demander s’il n’était pas possible d’avancer l’heure de la victoire finale.

Cette étude a pour but de répondre à ces questions. Elle retrace à grands traits les premières opérations, en insistant surtout sur les causes de nos premiers revers et de notre première victoire ; les traits se précisent par la suite et on saisit la genèse à peu près complète de nos dernières offensives. Elle examine les facteurs principaux de la puissance matérielle dans cette lutte unique, puis elle conclut.

I. — LES PLANS DE CAMPAGNE.


L’alliance franco-russe obligeait l’Allemagne à faire front à l’Est en même temps qu’à l’Ouest. Mais les difficultés de la mobilisation et de la concentration russes permettaient à nos ennemis d’espérer en finir avec la France avant de se retourner contre le colosse moscovite : des opérations rapides, foudroyantes si possible, s’imposaient donc sur le front français. La conception d’une attaque brusquée, à la suite d’une tension politique dont l’agressive diplomatie du Kaiser avait expérimenté souvent le maniement et les effets, a dû être étudiée par le Grand État-Major de Berlin ; en tout cas, les effectifs de l’armée allemande sur le pied de paix lui permettaient une action courte et violente. Et il n’est pas interdit de penser que les précautions prises en France contre cette éventualité l’ont fait écarter pour revenir à l’idée d’opérations régulières.

Le système de fortifications conçu par le général Séré de Rivière en 1875 n’avait été réalisé qu’en partie ; mais les deux barrières Belfort-Épinal, Toul-Verdun, constituaient sur notre frontière de l’Est un obstacle qui paraissait très fort à nos ennemis, malgré la méfiance dont il était devenu l’objet chez nous ; en outre, c’était face à l’Est que se concentrait l’armée française, sur une ligne de plus en plus avancée. Une étude du