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en rien la conscience des uns ni des autres ; chose dont tous savent que Sa Majesté est entièrement éloignée. » Il s’était trop avancé. L’intervention des officiers de Sa Majesté à Metz renversait cet échafaudage. On savait bien, pourtant, que les théologiens n’avaient pas encore fini et conclu. On désavouait et l’on bousculait sans égard leur trop lent et consciencieux travail.

Ni Ferry, ni l’assemblée des chefs protestants de Metz n’hésitèrent. Ferry rédigea immédiatement et fit approuver une réponse que MM. de Batilly et de Dompierre furent chargés de transmettre aux deux Lieutenants : « Messieurs, nous avons fait rapport à nos ministres et autres, assemblés avec eux, de votre proposition touchant la Réunion. Ils nous ont dit que c’est une chose que tous les bons Français doivent désirer de tout leur cœur pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Mais comme notre Eglise est unie en une même confession de foi et de discipline avec les autres du royaume, et qu’elle n’est que particulière, elle n’a point de droit et ne peut délibérer sur cette proposition que conjointement avec les autres Eglises de France, étant prêts, en ce cas, de contribuer, en une si bonne œuvre, tout ce que la vérité et leur conscience peuvent leur permettre. »

C’était là, « sous une forme modérée et courtoise, un refus positif et formel. » Et c’était la mise à l’écart de Ferry, qui, déçu de nouveau dans son rêve, par les catholiques comme par les luthériens, mourut trois ans plus tard, — sans avoir obtenu pour son gendre et pour lui la faveur que Bossuet avait sollicitée et que le Père Annat avait promis de procurer.

Quant à Bossuet, fit-on sur lui la même pression discourtoise et brutale que sur son partenaire ? C’est possible. Aux yeux des grands politiques, les intellectuels comptent peu.

Et certes, ce dessaisissement lui fut pénible, et, autant que cette lourde mainmise du pouvoir sur une affaire de conscience et d’idées, ce démenti donné par les officiers laïques à la promesse qu’il avait engagée, « qu’on ne pousserait pas plus loin Ferry qu’il ne voudrait aller[1]. »

Remarquons toutefois, — il l’importe, — que cette déconvenue ne le découragea pas. De son échec, abstenons-nous de dire, comme un historien protestant le fait avec une malice un peu injuste[2], qu’il resta tout simplement « une

  1. Corr. I, 449.
  2. Douen, La Révocation à Paris et dans l’Ile de France, 1, p. 438.