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A Charenton, aussi, les pasteurs se montraient inquiets. Valentin Conrart adressait au Messin Le Duchat une lettre, où, malgré sa modération, « il malmenait ces négociations suspectes. » Des Luthériens vinrent à la rescousse, — de ces luthériens que Ferry avait pensé pouvoir rallier au Calvinisme. En janvier et février 1667, le Strasbourgeois Jean-Gaspard Bernegger, d’une illustre et savante famille, signalait, tragiquement, à l’un des collègues de Ferry, Le Bachellé, ce fait que l’Espagne aussi poussait grand train à la Réunion des religions. A Ratisbonne, en 1665, on avait vu deux religieux espagnols manigancer officiellement cette « affaire, » suivant eux très « aisée… » Et cette intervention du royaume de l’Inquisition n’était pas faite pour rassurer les protestants. « Quelquefois, la peau du lion ne servant plus de rien, on prend celle du renard. » Enfin, à Metz même, Ferry pouvait sentir autour de lui des défiances[1]

Du côté catholique, la même chose se passait. Pour contrecarrer le projet, ou pour en gâter l’exécution, il y avait d’abord ceux qui en approuvaient l’idée avec le regret de n’y être pas associés. Puisque c’était Bossuet qui avait mis l’affaire en train c’était, en lui et par lui, le clergé séculier, et aussi la Compagnie du Saint-Sacrement qui menait l’entreprise. Les Jésuites n’y auraient-ils pas de part ? Avec ceux de Metz, Ferry entretenait d’amicales relations. Il avait trouvé dans le procureur, le Père Claude de Rhodes, un confident courtois de ses misères physiques, et dans un autre des Pères de ce collège, un très obligeant médecin… De plus, sollicitant de la Cour la permission de se faire aider dans ses fonctions par son gendre, Bancelin, le vieux pasteur était très désireux de se concilier, outre les bons offices de Bossuet, l’appui tout puissant du Père Annat, le confesseur du Roi. Il tint donc au courant les Jésuites de sa ville. Il leur lut ses lettres. Il les aida à « s’introduire dans le grand dessein qu’ils approuvent fort… en général. » Avec empressement, le Père Annat se déclara tout prêt à agréer « toutes les bonnes dispositions de M. Ferry. » Et le candide ministre se réjouissait que l’on parlât de lui en haut lieu. Mais voici que, tout de suite (12 novembre), le confesseur le prend de haut et brusque les choses : « Il faut que M. Ferry

  1. Lettre citée par O. Douen, ouvr. cité.