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nouvelle. Quel service elles ont ainsi rendu ! Durant les quatre années indécises de la lutte, où l’on avait tant de mal à découvrir le vrai et où la foi la plus forte en l’avenir de la France avait pourtant besoin d’être soutenue par des raisons, nos revues, — c’est leur honneur en ces mois de défense nationale, à laquelle elles participèrent ainsi, — ont poursuivi leur œuvre d’éducation et de réconfort.

Et maintenant, au cours d’une période dont les difficultés sont à peine moins graves, elles continuent. Moins hâtivement que les journaux, avec plus de réflexion et de méthode, avec assez de place pour ne pas trop escamoter les arguments, elles expliquent l’époque où nous vivons et comment il est sage de la vivre. Elles alimentent de faits et d’idées les journaux qui, s’en servant, les propagent. Puisque c’est un motif d’enseignement et d’éducation que la presse invoqua pour s’affranchir des taxes douanières sur le papier, il n’existe aucun motif pour que les revues, si utiles pour le ravitaillement moral du pays, ne bénéficient pas de cette exception.

Veut-on nous obliger à croire que si les journaux sont seuls à profiter de cette faveur, c’est parce qu’on est en coquetterie avec eux, en raison de l’influence immédiate dont ils jouissent dans la vaste foule ? Nous nous trouverions alors devant une préoccupation politique et non pas une mesure de justice. Et ce serait tant pis. Ce n’est que dans l’équité que l’on est fort réellement et longtemps.

Songez que, par une anomalie néfaste, la loi qui fait payer à la frontière tous les produits indispensables à la confection des livres, en exonère totalement les innombrables ouvrages qui, du dehors, nous arrivent tout imprimés en France ! Nos éditeurs paient, à l’entrée en France, des droits sur le papier, les cartons et toutes les fournitures exigées pour la confection des livres qu’ils imprimeront. Mais les livres, même imprimés en français, qui du dehors sont jetés sur notre marché, passent indemnes à la douane !

La conséquence de cette loi paradoxale est que, sous prétexte de ne pas nuire aux échanges intellectuels et de ne pas faire fermer, par représailles, aux livres français les frontières des pays voisins, on met nos éditeurs dans l’impossibilité de fabriquer à bon compte des livres qu’ils puissent vendre aisément au dehors comme à l’intérieur. C’est une prime