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vous ! Son clair regard, son regard qui semble pénétrer jusqu’au fond des consciences, est ce qui frappe le plus dans sa physionomie. C’est le regard des probes et c’est le regard des forts.


La scène change encore ; M. Joseph Bédier a le très grand honneur de succéder à Gaston Paris dans la chaire de langue et littérature françaises du moyen âge, au Collège de France.

J’y fus l’autre jour pour l’entendre ; je passai sous les yeux de Budé et de Ghampollion, qui surveillent l’entrée d’un air las ; et j’arrivai dans l’amphithéâtre trois. L’amphilhéàtre trois s’adorne de quatre colonnes, deux en faux marbre, qui encadrent le tableau noir ; et deux autres en fonte, qui, s’élançant du milieu de la salle, produisent, comme on l’imagine, le plus heureux effet. Il y a non seulement un tableau noir, mais deux tableaux noirs ; le second diffère du premier en ce qu’on le tire au moyen d’une poignée. Au-dessus, un drap blanc pour les projections : on prétendra, après cela, que les institutions scientifiques françaises manquent des perfectionnements modernes ! L’illumination est généreuse ; sept lampes électriques, deux pour les tableaux noirs, une pour l’orateur, quatre pour le public ; celles-ci sont placées si haut, que les auditeurs ne manqueraient pas d’être en pleine lumière, si seulement ils siégeaient au plafond. Les bancs sont placés en demi-cercle, si commodément qu’on ne peut bouger sans déranger vingt personnes. Des barrières de bois séparent les assistants, et les parquent. Il y a des peintures, mais elles se perdent dans l’ombre, puisqu’elles ne sont pas au plafond. Bien entendu, l’amphithéâtre est trop petit, et les derniers arrivants doivent rester debout derrière les gradins ; ils ont la consolation d’apercevoir néanmoins l’orateur, en haussant le col. Vous n’imaginez rien de plus Louis-Philippe que l’intérieur deces salles de cours, dans l’antique fondation du roi François Ier. Dans les couloirs passent des garçons de salle falots, en tablier de toile bleue, qui viennent peut-être du théâtre de Cluny, tout voisin : tant ils offrent le type classique du vaudeville. Au reste, l’éclairage ayant épuisé tout son effort dans les sept lampes de la salle, les couloirs sont obscurs. Tant mieux.