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métropole, de la sécurité de l’Archipel britannique. Mettons les points sur les i : il s’agit de la Belgique.

Je ne cesserai de le répéter, l’erreur capitale du traité est d’avoir, — contrairement aux avis du maréchal Foch, — rejeté le projet d’un puissant système militaire rhénan barrant définitivement la route aux convoitises prussiennes. Or, ce système avait pour axe de résistance une Belgique forte. L’Angleterre avait l’occasion de consolider, une fois pour toutes, le glacis qui protège Bruxelles et Anvers, c’est-à-dire qui protège l’Angleterre. Comment la campagne de 1914 ne lui a-t-elle pas ouvert les yeux ? L’Allemagne avait pour premier objectif stratégique de rafler Anvers, Dunkerque, Calais, le Havre, de façon à isoler, d’abord, l’Angleterre. C’est grâce à l’étonnante énergie et clairvoyance de la manœuvre offensive sur Charleroi que ce plan originel a été déjoué. Joffre a été véritablement, à cette heure, le sauveur de l’Angleterre. Toute la suite de la guerre a prouvé que le nach Calais était la raison suprême de la manœuvre allemande. Et c’est quand cette conviction devrait avoir pénétré jusqu’au cœur de l’Angleterre, quand elle devrait sentir jusque dans les dernières fibres de son être que son salut historique est en cause, c’est alors qu’elle néglige la maxime favorite de son grand roi Edouard VII : « Notre frontière est sur le Rhin ! »

L’histoire reconnaîtra sans doute, dans cet abandon, une de ces prodigieuses aberrations de l’entendement par lesquels la Destinée se plait à égarer les hommes et les peuples pour que le drame auquel elle se plaît ne se termine pas sitôt.

Il semble pourtant qu’en présence des premières résistances de l’Allemagne, une certaine évolution se fait dans les esprits en Angleterre et que l’on cherche à combler (ne fut-ce que par des moyens de fortune) la grande lacune du traité. On commence, visiblement, à se préoccuper du sort de la Belgique. Mais cette Puissance, — trop faible par elle-même, — ne peut être défendue contre une agression allemande que par un accord des Puissances intéressées et par la préparation d’une action éventuelle sur le Rhin par la combinaison de ces trois éléments : France, Belgique, Angleterre. Un tel accord et une telle préparation réclament un travail constant, une confiance réciproque, une discipline des volontés et des actes permanente et vigilante, en un mot, un haut commandement.