Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec lequel ils ne jouent, en quelque sorte, à l’heure présente, que parce qu’ils croient l’avoir définitivement abattu.

Nos amis d’Amérique qui sont parmi les plus opposés au traité m’écrivent : Nous cherchons ardemment un moyen de prouver à la France que tout ce qui se passe ici ne la vise ni ne la touche en quelque manière que ce soit. Venez donc, venez avec les victorieux et vous verrez comment nous saurons acclamer les vieux amis de l’Amérique, et surtout les hommes d’Etat et les chefs militaires qui ont sauvé la liberté du genre humain.


Au moment où ces lignes paraîtront, l’incident du protocole et de la « mise en demeure » adressée à l’Allemagne sera sans doute réglé. De toute façon, et en attendant que les grands accords soient ratifiés dans leur ensemble, il reste, en Europe même, pour tenir tête, s’il y a lieu, une combinaison de forces telle qu’elle est en mesure de parer aux premiers événements. Il ne peut être question assurément que l’alliance anglo-française se passe de la sanction américaine. Prenons garde de l’isoler et de lui supposer quelque velléité de transformer la triplice en duplice : ce serait la plus lourde et la plus gratuite des fautes. Ceci dit, l’alliance anglo-française existe en elle-même : elle repose sur des faits et sur des nécessités qu’aucune circonstance ou actuelle ou prochaine ne saurait, à mon avis, modifier.

Si l’Angleterre considère sa situation générale dans le monde, elle ne peut, à aucun point de vue, se passer du concours actif de la France, à plus forte raison si elle a perdu sa foi en l’adhésion américaine.

Les problèmes mondiaux sont tels en Asie, en Russie, en Turquie (ajoutons en Egypte, aux Indes, en Irlande), que la paix de l’Empire est toujours en question. Guillaume II a dit dans un accès de rage : « Que l’Allemagne périsse, mais que, du moins, l’Angleterre perde les Indes ! » L’organisation du monde colonial est une chose d’une telle importance pour l’Angleterre qu’elle ne peut songer à s’isoler de l’action simultanée et loyale de la France qui, partout, est sa voisine et qui, partout, est disposée à lui laisser de larges satisfactions économiques et politiques. C’est seulement sur cette base de confiance mutuelle que l’ordre mondial peut se consolider. Mais il s’agit de bien autre chose encore, il s’agit de la sécurité même de la