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vement parce que le respect de la parole donnée était violé par l’attaque criminelle contre la Belgique. Il n’y a de victoire, il n’y a de sécurité que si les Alliés rappellent l’Allemagne à l’ordre. Il faut une explication décisive, et, si elle ne suffit pas, il faudra des actes. La moindre faiblesse dans l’application d’un seul article serait pour l’Allemagne le commencement de la discussion sur tous les articles : c’est le sort du traité qui est entre les mains des Alliés.


Les affaires russes ont changé d’aspect à la suite des succès militaires des bolchevistes. Il y a bien des semaines en réalité que se dessine la victoire de l’armée rouge. Pour le moment, elle est manifeste. L’armée Denikine est battue et son chef se défend vigoureusement sur le Don ; l’armée Youdenitch est battue et son chef a dû se réfugier en Esthonie : l’armée Koltchak est battue et son chef est tombé dans les mains de l’ennemi, à la suite de circonstances que nous connaissons encore mal. Les bolchevistes ont tiré sans retard les conséquences de cette situation militaire. Ils viennent de faire la paix avec l’Esthonie et ils la proposent à la Pologne. Ils essaieront de s’entendre successivement avec tous les États qui bordent la Russie à l’Ouest. Le plan des Alliés est toujours de constituer autour de la Russie ce que l’on a nommé un cordon sanitaire ; il est toujours d’aider les États voisins à se défendre. Mais pour qu’il réussisse, il faut tenir compte des erreurs passées et tirer les leçons de l’expérience. La faiblesse des antibolchévistes a tenu surtout à ce qu’ils ne voulaient pas les mêmes choses. Unis pour lutter contre le régime de rapine et de terreur installé par Lénine, ils n’étaient pas d’accord sur ce qu’ils feraient dans l’avenir. Il y avait des armées antibolchévistes en Sibérie, sur le Don et dans l’Ukraine ; il y avait des centres de résistance antibolchéviste dans les pays baltes, dans le Caucase, en Géorgie, dans l’Arménie russe ; il y avait de grandes ressources en Finlande et en Pologne. Mais les uns comme Koltchak et Denikine, qui se battaient pour le rétablissement d’un bon gouvernement en Russie, se battaient aussi pour la reconstitution d’une grande Russie ayant tous ses territoires d’autrefois. Et les autres, les Esthoniens, les Lithuaniens, les Géorgiens et plusieurs encore ne voulaient pas du régime d’une grande Russie et aspiraient à l’indépendance. Était-il possible de concilier ceux qui rêvaient de recréer l’ancienne et puissante Russie étendue sur deux continents, et ceux qui songeaient à leur liberté pour laquelle ils avaient souvent combattu dans le