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en a déduit facilement la distance des nébuleuses spirales dont elles font partie. Les nombres obtenus sont en plein accord avec les résultats des méthodes précédentes. Ils nous montrent que les nébuleuses spirales les plus rapprochées de nous sont à des distances de l’ordre de 100 000 parsecs et ont des dimensions réelles analogues à celles de la Voie lactée.

De tout cela on tire cette conclusion, à laquelle il est difficile d’échapper, que les nébuleuses spirales sont des systèmes stellaires comparables à notre Voie lactée et dont chacun est formé comme celle-ci de milliards d’étoiles. Quant à la distance des nébuleuses spirales connues, on peut évaluer ainsi qu’elle est certainement pour beaucoup d’entre elles supérieure à un million de parsecs.

Cela représente une distance encore cent fois supérieure à celle des amas globulaires, dont l’éloignement pourtant nous avait tout à l’heure rempli d’étonnement.

Ainsi la lumière qui nous vient de certaines nébuleuses spirales, et qui progresse dans l’espace en faisant 300 000 kilomètres chaque seconde, a besoin de plusieurs millions d’années pour nous parvenir. C’est par dizaines de mille siècles que doit se compter le temps mis pour venir jusqu’à nous par la tremblante lumière que nous envoient ces univers lointains.

Dès maintenant le Cosmos. — et je parle seulement de ce que nous en ont révélé nos moyens actuels, bien faibles à côté de ceux de demain, — nous apparaît comme formé par un million de systèmes stellaires aussi vastes que notre Voie lactée et séparés les uns des autres par des océans de vide glacé que, reptilienne et follement rapide, la lumière ne peut franchir qu’en des myriades de siècles.

N’est-elle pas grandiose et écrasante, cette image de l’univers que la science nous montre de son doigt sec, la science qui ne rêve pas, mais qui constate ? Mais il y a des constatations plus émouvantes, plus prodigieuses et féeriques que tous les rêves, car notre imagination est une bien pauvre chose à côté de la sublime réalité.

Charles Nordmann.